En République démocratique du Congo, chaque 4 janvier remémore un vieux souvenir, mais profondément ancré dans la mémoire collective. Sa symbolique est immense, la journée est fériée, le temps de commémorer la mémoire des martyrs de l’indépendance, tombés à la suite d’une répression sanglante du colonisateur belge le 04 janvier 1959, alors qu’il devrait se tenir une manifestation publique. L’histoire, on l’a connaît, mais la seule question des circonstances se posent toujours 63 ans après ; que s’est-il réellement passé ce jour-là ?
Nous sommes en 1959, alors que le Mouvement National Congolais (MNC), parti politique cher à Patrice Emery Lumumba venait de tenir son meeting populaire réussi le 28 décembre 1958, l’histoire rappelle que l’ABAKO, parti politique de Joseph Kasa-vubu, rival au MNC, a projeté son meeting à la place YMCA dans la commune de Kalamu à Kinshasa, e 04 janvier 1959, presque une semaine après le meeting de Lumumba.
Avisé par l’administration coloniale d’endosser la responsabilité en cas de politisation, car le vent de la Libération indépendantiste soufflait déjà dans le continent, Joseph Kasavubu et compagnie décident de renvoyer la manifestation pour une date ultérieure. Nouvelle vue comme une interdiction de l’administration coloniale.
Le 04 janvier 1959, jour du meeting qui avait pour thème » le nationalisme africain« , alors que les organisateurs avaient déjà annoncé son report, les militants se pointaient à la place YMCA jusqu’à s’amasser en grand nombre. La colère des militants est montée lorsque Joseph Kasa-vubu et d’autres responsables du parti ABAKO se présentent pour annoncer l’annulation du meeting, la manifestation se transforme en émeute.
Par accident de l’histoire, au même moment, une marée humaine venue du stade Roi Baudouin, (l’actuel stade Tata Raphaël), après une rencontre de Football où Vita club a perdu face à Mikado, les supporters déçus se sont mêlés aux militants de l’ABAKO et la situation a dégénéré.
Les émeutiers s’attaquent aux forces de l’ordre, aux blancs, brisant des vitrines, cassants presque tout au passage. La réponse de l’administration belge a été très forte et brutale avec une répression sanglante, causant un nombre incalculable des pertes en vies humaines. Si le gouvernant belge annonçait officiellement 49 morts, le doute plane encore sur ces chiffres liés aux personnes tombées lors de cette répression du colonialiste, certains observateurs parlent de centaines des morts.
Le sens profond de ce mouvement de manifestation populaire généralisé qui a pris plusieurs, jours, était l’expression d’un ras-le-bol des colonisés. C’est ce qui conduisit, selon Ngimbi Kaluvueziko dans son livre « Congo-Zaire. le destin tragique d’une nation« , le Roi Baudouin de prononcer un discours le 13 janvier 1959 dans lequel il engage le Congo-Kinshasa dans la voie de l’indépendance en annonçant l’organisation d’une conférence devant déterminer les modalités de cette accession du Congo à la souveraineté internationale. Une première.
Ainsi, l’idée d’une certitude de l’obtention de l’indépendance fut répandue sur toute l’étendue du territoire national, se matérialisant par la traduction du mot « indépendance » en quatre langues nationales : « Lipanda » en Lignala, « Kimpwanza » en Kinkongo, « Budukadidi » en Tshiluba et « uhuru » en Swahili. Une année et quelques mois, le pays obtient son indépendance, après la table ronde politique et économique.
Le 04 janvier 2022, 63 ans après les souvenirs de ce moment macabre restent indélébiles, bien qu’une grande manifestation officielle autour de cette date n’a pas été organisée.
Émille Kayomba