La mesure est exceptionnelle. Elle a été prise en Mai 2021 par le chef de l’Etat, commandant suprême des forces armées pour faire face à une grave situation d’insécurité dans le pays.
Mais après 7 mois, l’objectif n’a toujours pas été atteint. Dans les milieux des politiques et des acteurs de la société civile, des voix ne cessent de se lever pour remettre en cause cette décision considérée comme la plus forte prévue par la constitution.
Vendredi, 26 novembre 2021 lors d’une rencontre dite de clarification à la cité de l’union africaine, les évêques catholiques de la conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) avaient simplement proposé au chef de l’Etat Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, une requalification de l’état de siège.
Autre proposition, c’est celle des députés nationaux originaires des provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Ces élus qui s’opposent depuis plusieurs semaines à de nouvelles prorogations de l’état de siège, se montrent plutôt favorables à une mutualisation des forces avec des pays amis en vue de traquer les groupes armés. Selon les caucus de ces députés, l’état de siège seul ne suffit pas pour mettre fin au cycle des tueries dans l’Est du pays.
Et au parlement, un nouveau feu vert vient d’être donné au gouvernement pour la prorogation de l’état de siège, le 13ème épisode. Sur le terrain des hostilités s’observe depuis peu une collaboration entre les forces armées de la RDC (FARDC) et l’armée ougandaise(UPDF) au niveau de la frontière entre ces deux pays pour vaincre un ennemi commun.
Lors d’un briefing à la presse, le porte-parole du gouvernement a expliqué que les deux armées travaillent ensemble pour d’une part, partager les renseignements et, d’autre part, envisager des actions ciblées et concertées pour mettre fin à un ennemi commun, les terroristes ADF, responsables de massacres dans l’Est de la RDC et des attaques en Ouganda.
Au sujet de la demande d’autorisation préalable du parlement avant l’intervention sur le territoire congolais de ces forces étrangères au pays, le ministre Muyaya a déclaré que cette opération est une recommandation de cette institution.
Une déclaration corroborée par le président du Sénat lors de la plénière consacrée à la prorogation de l’état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu. Modeste Bahati faisait remarquer aux sénateurs que l’initiative est partie du parlement. Plusieurs députés et sénateurs originaires des provinces concernées avaient écrit au président de la République pour demander que de telles actions soient menées.
Ces arguments sont loin de convaincre certains compatriotes. Dans un tweet, le prix nobel congolais Denis Mukwege désapprouve cette opération conjointe avec l’armée ougandaise, il a rappelé qu’après 25 ans de crimes de masse et pillage de nos ressources par nos voisins, l’autorisation du président à l’UPDF et les accords de coopération militaire avec RDF sont inacceptables. Non aux pyromanes/pompiers a-t-il poursuivi.
Ce point de vue n’est pas partagé par la délégation de la communauté Nande, majoritaire dans la région de Beni où le groupe rebelle est particulièrement actif. Selon son porte-parole Mbusa Nyamuisi, le chef de l’Etat « nous avait promis d’autoriser formellement ces opérations de traque des ADF par l’UPDF (Uganda People’s defence force) sur le sol congolais », a-t-il réagi auprès de l’AFP. D’après lui, il s’agit d’une solution provisoire en attendant la réorganisation de l’armée congolaise.
La méfiance de nombreux congolais se justifie par le fait que l’Ouganda et le Rwanda sont régulièrement accusés dans des rapports des nations unies et d’ONG de soutenir des groupes armés opérant dans l’Est congolais. Plus récemment, les deux pays accusent aussi les rebelles ADF d’être actifs sur leurs territoires respectifs.
L’Ouganda, rappelons-le, a désigné les ADF comme responsables d’un double attentat suicide ayant fait trois morts et 33 blessés à Kampala en novembre, trois semaines après deux attaques à la bombe dans la capitale, elles aussi attribuées aux rebelles. Début octobre, le Rwanda a par ailleurs affirmé avoir arrêté 13 membres ADF qui préparaient des attentats dans le pays.
Guylain Kabalundi