Le fait est troublant, car l’essentiel de l’argumentaire porte sur les difficultés de rendre les Entreprises et Etablissements publics apolitiques, et l’opinion détaille abondamment et avec beaucoup de pertinence ce qui pose problème : les entreprises et Etablissements publics sont prises en otage par la politique au détriment parfois et souvent de la méritocratie. Comment analyser et expliquer pour adopter une rénovation tactique des approches politiques liées à la nécessité pour elles de répondre aux critiques portant sur les conséquences sociales des politiques d’ajustement des mandataires publics et de restaurer la crédibilité de nos décideurs.
C’est sur les antennes de la Télévision nationale que tous les regards se sont croisés pour suivre les nominations dans les entreprises et Etablissements publics. Le président de la République Félix Tshisekedi a nommé 82 personnes à la tête de 24 Etablissements et Entreprises de l’Etat, notamment l’INPP, la SONAS, le CSAC pour ne citer que ceux-là.
La totalité des nouveaux mandataires ou presque, est issue des listes des regroupements politiques de l’Union Sacrée, contre quelques postes seulement laissés aux délégués des institutions de la Républiques et des organisations professionnelles. Comme dans toutes alliances politiques, l’essentiel de postes est raflé par l’UDPS – parti présidentiel, le MLC de Jean-Pierre Bemba l’AFDC de Modeste Bahati et les caciques du FCC qui ont rejoint l’Union Sacrée. En froid avec l’Union Sacrée pour ses prises de positions, Ensemble de Moise Katumbi n’apparait pas dans les dernières mises en place.
Si les déceptions dans la répartition des postes sont à peine voilées entre alliés à l’Union Sacrée, au sein des partis et regroupements politiques, certains cadres qui broient du noir continuent à murmurer. ‘’On a fait nommer au Chef de l’Etat des proches – parents, pourtant nous le reprochions au régime passé’’, a soufflé un cadre de l’Union Sacrée. A l’UDPS, c’est encore spectaculaire. Un groupe de combattants estime avoir été oublié dans les récompenses pour la longue lutte dans l’opposition. Ils en veulent au secrétaire Général du parti qui, selon eux, privilégie les uns au détriment des autres.
Pour couronner leur hargne contre lui, Victor Wakwenda a même signé le limogeage d’Augustin Kabuya sous prétexte de son illégitimité conformément aux textes du parti. Mais lui ne s’est pas avoué vaincu, après le constat des dégâts causés par ses détracteurs au siège du parti – détracteurs qu’il assimile aux ennemis de la stabilité du parti et la volonté de Félix Tshisekedi.
Les dernières nominations n’ont pas seulement fait des mécontents dans les officines politiques, mais aussi dans les organisations professionnelles. C’est un petit comité des syndicats des fonctionnaires qui a réservé une surprise à Jean-Pierre Lihau à son arrivée au cabinet de travailp, pour dénoncer l’absence des délégués des syndicats dans la nouvelle composition de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale des Agents Publics, pourtant voulue par la loi. Le Vice-Premier et Ministre de la fonction publique a promis à ses interlocuteurs qu’il va transmettre leur message à sa hiérarchie.
Déjà après l’annonce de la liste de nominations, le président de l’intersyndicale nationale de l’administration publique exprimait sa déception, appelant à la surséance de cette ordonnance. Elle cache selon Fidèle Kiyangi, la confiscation de la caisse de retraite des fonctionnaires par les politiques. Conformément aux mutations en cours des textes qui créent la CNSSAP, le directoire devrait comprendre dans sa composition entre autres, les représentants des corps de métiers, dans un conseil d’administration dirigé par un représentant des syndicats choisi par ses pairs.
Dans un communiqué, l’Association congolaise pour l’accès à la justice a dénoncé la violation des articles 12 et 13 de la constitution dans les récentes nominations des mandataires publics au sein de quelques entreprises et établissements publics au pays. l’ACAJ renseigne que le pays assiste à la politisation de l’administration publique. Pour cette ONG de défense des droits de l’homme, l’un des engagements forts de nouvelles institutions consistait à combattre le clientélisme de l’Etat quant à l’accès aux emplois publics, et ainsi mettre un terme à la précarité du marché de l’emploi en se fondant sur le principe de l’égalité de chance. L’ONG recommande au Président de la République et au Premier Ministre de rendre le concours un préalable à l’accès et la nomination aux fonctions publiques.
L’ACAJ dit également constater que lesdites nominations ont pour finalité de caser des membres de la famille politique au pouvoir, souvent au détriment de l’expertise. Les partis et regroupements politiques, censés être le creuset de l’humanisme pour une prospérité partagée, encouragent et érigent une fracture sociale susceptible de déboucher sur un antagonisme dangereux entre deux Congo : » l’un des privilégiés et l’autre des laissés-pour-compte« , dit le communiqué d’ACAJ. Et d’ajouter que cet état de choses crée des frustrations dans la société du fait de la marginalisation du plus grand nombre. Car, seuls les membres des partis et regroupements politiques sont privilégiés et ont droit à des conditions de vie décentes d’autant plus que toutes les ressources publiques mobilisées servent à entretenir copieusement le train de vie des institutions qui ne se sentent pas concernées par la précarité des ressources publiques.
En son temps, la Coalition pour la Gouvernance des Entreprises Publiques (COGEP) et l’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP), ont dénoncé la poursuite des nominations des mandataires publics sur base des critères politiques et la poursuite de la politisation des entreprises du portefeuille de l’Etat en RDC.
Face à la persistance de ces pratiques tant décriées, la COGEP et l’ODEP ont appelé les députés nationaux et les sénateurs à s’approprier et à voter en toute urgence l’avant-projet de loi initié par les deux réseaux portant modification de la loi n° 08/010 du 07 juillet 2008 fixant les règles relatives à l’organisation et à la gestion du portefeuille de l’Etat, concernant notamment les conditions et critères d’accès au mandat public dans les entreprises du portefeuille de l’Etat.
Dans l’opinion, plusieurs voudraient que les nominations dans les Entreprise et Etablissements publics obéissent aux exigences de compétence et de mérite, au mieux, recourir aux instances indépendantes et formelles d’élites pour la sélection des mandataires publics parmi les dignes filles et fils du pays. Les critiques vont cependant dans tous les sens, notamment le regret de voir le portefeuille de l’Etat se partager entre politiques, sous l’œil impuissant du souverain primaire.
Des vraies conditionnalités au verrouillage qui ont pris corps au cours des vingt dernières années, les frontières des réformes à atteindre ont sans cesse été repoussées . Mais, surtout, il apparaît qu’avec l’articulation organique entre les politiques des Entreprises publiques et celles de gestion, l’acceptation des stratégies de développement est devenue à ce point « liée » à un verrouillage qui ne donnera pas croissance aux Entreprises et Etablissements publics.
La rédaction de b-onetv.cd