Des rues de Kinshasa jusqu’aux tréfonds de nos provinces, le recours illégal à la force par la police entraîne des décès, des blessures et d’autres dommages. Comme nous l’avons vu trop de fois, dans la capitale congolaise et ailleurs, il arrive que la police tue ou blesse grièvement des personnes lors d’arrestations ou des repressions des marchés pacifiques. Dans d’innombrables autres cas, la police réagit immédiatement par la force pendant des manifestations. Depuis des années, la police nationale utilise à maintes reprises des armes telles que du gaz lacrymogène et des balles en plomb contre des manifestants, ce en toute illégalité. C’est pourquoi il est très important de connaître ses droits et de savoir ce que la police est autorisée ou non à faire. Comment faire en sorte que la police cesse d’utiliser la force au mépris de la loi et que les agents qui commettent des homicides illégaux soient amenés à rendre des comptes. Il ne doit plus y avoir d’excuse.
Le recours illégal à la force par la police peut, dans le pire des cas, priver des personnes de leur droit à la vie. En outre, si la force est injustifiée ou excessive, elle peut s’apparenter à la torture ou à d’autres formes de mauvais traitements. Le recours illégal à la force par la police peut aussi bafouer le droit de ne pas subir de discrimination, le droit à la liberté et à la sécurité, et le droit à l’égale protection de la loi. Alors question la police est-elle autorisée à tuer ? Il existe des dispositions juridiques et des normes internationales strictes qui encadrent le recours à la force, en particulier la force meurtrière, par la police. Les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois sont l’instrument international fondamental qui régit l’usage de la force par la police.
La chose la plus importante à retenir est que les pouvoirs publics, y compris la police, sont tenus de faire tout leur possible pour respecter et protéger le droit à la vie. Aux termes du droit international, les policiers ne doivent utiliser la force meurtrière qu’en dernier ressort, autrement dit lorsque cela est absolument nécessaire pour se protéger ou protéger autrui d’une menace imminente de mort ou de blessure grave, et à condition que les autres solutions soient insuffisantes. De toute évidence, beaucoup d’homicides imputables à la police en RDC ne remplissent pas ces critères. Nombreuses personnes tuées par la police n’étaient pas armés. Lors des descentes qui ont eu lieu à Kinshasha, la police tue des personnes qui ne présentent aucun risque. Lors des bouclage dans certaines communes, des témoins ont déclaré avoir vu la police tirer sur des personnes soupçonnées.
Tous les États sont tenus d’intégrer le droit international relatif aux droits humains dans leur législation nationale, mais la RDC ne le respecte pas véritablement. Bien souvent, les victimes qui s’en remettent à des tribunaux n’obtenient pas vérité, justice et réparation. Pusieurs fois les ong de droit de l’homme ont fait part de leurs préoccupations quant au manque d’obligation de rendre des comptes en RDC au sujet des violences et bavures policières. Mais quelles sont les causes des brutalités policières ? Il existe souvent plusieurs facteurs qui s’associent, notamment des lois insuffisantes, l’insécurité ou un conflit, et une impunité ancrée. Parfois l’Etat foule régulièrement aux pieds d’autres droits humains, tels que le droit à la vie privée, à la protection, à l’Image la liberté d’expression et la liberté de réunion pacifique, et autorise souvent la police à réagir violemment lors de manifestations.
L’impunité dont jouissent les agents de police ayant perpétré un homicide crée un cercle vicieux meurtrier.
Combien de personnes sont mortes aux mains de la police ? Il est difficile d’obtenir des chiffres fiables sur les violences, bavures et homicides commis par des policiers car, en RDC, ces données ne sont pas collectées ou pas publiées. La plupart des données disponibles concernent des périodes en particulier et sont souvent des estimations réalisées par des organisations non gouvernementales (ONG) ou des groupes de défense des droits humains. Le nombre de personnes blessées, violentées, torturées voire tuées, alors qu’elles ne présentaient pas un danger, trahit des dysfonctionnements dans les pratiques de maintien de l’ordre. Le constat de cette situation, toxique pour l’État de droit et la démocratie en RDC, oblige à lancer un cri d’alarme face à l’impasse dans laquelle la RDC se trouve.
Au sein des responsables de la police et des syndicats, deux types de voix se font entendre. La première ne cesse de mettre en demeure le ministère de l’Intérieur d’améliorer la formation de plus en plus inadaptée, les conditions de travail et de donner des moyens supplémentaires aux policiers alors qu’ils sont écrasés par des tâches toujours plus diverses. La seconde cède à une suroffre démagogique et, face à un problème d’évidence structurel et à l’hostilité croissante d’une partie de la population, fédère les policiers dans une logique de bloc, victimaire qui fait florès aujourd’hui dans bien des secteurs de la société.
Perle Mbiya