Alors que les autorités de la ville de Kinshasa cherchent à accélérer les travaux de modernisation de l’avenue de la Paix, dans la commune huppée de la Gombe, un problème d’infrastructures souterraines vient de ralentir le chantier. Selon un ingénieur en charge du projet, ce sont les égouts défectueux des immeubles bordant cette avenue, notamment entre l’avenue Isiro et la Gare centrale, qui constituent le principal obstacle à l’avancement normal des travaux.
Ce constat, rendu public samedi 26 juillet, met en lumière les limites de la planification urbaine à Kinshasa, où l’absence de coordination entre autorités publiques, promoteurs immobiliers et gestionnaires des réseaux d’assainissement complique régulièrement les efforts de modernisation urbaine.
Les égouts en question, reliés à des immeubles privés et parfois connectés de manière non conforme au réseau d’assainissement public, provoquent des fuites, des remontées d’eaux usées et des effondrements de chaussée. Pire, certains conduits traversent les axes prévus pour les fondations de la nouvelle voirie, rendant impossible la progression des engins de terrassement. « Ces canalisations non répertoriées, souvent vétustes ou non conformes aux normes, bloquent l’implantation de l’infrastructure de drainage prévue dans le projet de modernisation », a précisé l’ingénieur superviseur.
Au-delà du caractère ponctuel du chantier de l’avenue de la Paix, cette situation illustre un dysfonctionnement plus large dans la gestion des infrastructures de la capitale congolaise : urbanisation anarchique, absence de cartographie des réseaux souterrains, manque de contrôle lors des constructions, et surtout, non-application des normes d’urbanisme pourtant prévues par la loi.
Cette situation soulève de nombreuses interrogations : Comment les services de l’urbanisme ont-ils validé les plans d’immeubles dont les évacuations compromettent aujourd’hui des travaux publics ? Pourquoi la Régie des Voies de Desserte (RVD) ou la Régie des Eaux n’ont-elles pas imposé des contraintes techniques ? Et qui prendra en charge les travaux correctifs ? L’État, ou les propriétaires des bâtiments concernés ?
L’avenue de la Paix constitue un axe stratégique de la Gombe, reliant des points névralgiques tels que la Gare centrale, le boulevard du 30 juin, les institutions publiques et plusieurs hôtels internationaux. Le ralentissement des travaux affecte la fluidité du trafic, les déplacements piétons, et l’image de la ville, notamment pour les visiteurs étrangers.
Le projet de modernisation s’inscrivait dans le vaste programme de réhabilitation des voiries urbaines lancé par le gouverneur Daniel Bumba, visant à désengorger les grands axes et offrir une mobilité digne d’une capitale moderne.
Ce blocage révèle une fois de plus la nécessité d’une réforme en profondeur de la gouvernance urbaine en RDC. Il devient urgent de : Mettre en place un cadastre numérique des réseaux souterrains (eaux, électricité, fibre optique, assainissement). Imposer un audit technique préalable à tout chantier majeur dans la ville. Responsabiliser les propriétaires d’immeubles quant aux normes d’assainissement. Rétablir l’autorité des services de contrôle urbain, souvent affaiblis par la corruption ou la politisation.
Ce qui semblait être un chantier routier parmi tant d’autres se transforme en symbole des défis complexes de l’urbanisation à Kinshasa. Si le ralentissement des travaux de l’avenue de la Paix est bien dû aux égouts des immeubles voisins, il reflète surtout un mal plus profond : celui d’une ville qui avance sans plan directeur cohérent, sans interconnexion entre les différents réseaux techniques, et sans régulation stricte de ses développements privés.
Pour que Kinshasa devienne réellement « ville vitrine » de la RDC, la modernisation de ses infrastructures devra s’accompagner d’une révolution administrative et technique, seule capable de garantir une croissance urbaine durable, inclusive et maîtrisée.


