Sur instruction du président de la République, Félix Tshisekedi, le gouvernement congolais a décidé de restreindre la circulation des taxis-motos dans le centre-ville de la capitale. La mesure a été adoptée lors du dernier Conseil des ministres et vise à désengorger la circulation, améliorer la sécurité et réguler un secteur devenu incontournable mais anarchique.
En moins de deux décennies, les taxis-motos sont passés d’un moyen de transport marginal à un véritable pilier de la mobilité kinoise. Leur capacité à se faufiler dans les embouteillages a fait leur succès, surtout dans les quartiers enclavés. Cependant, leur prolifération dans les grandes artères du centre-ville a fini par poser problème : Accidents fréquents, souvent mortels, dus à la vitesse et au non-respect du code de la route; Désordre urbain, avec des attroupements aux carrefours stratégiques; Criminalité urbaine, certaines motos étant utilisées par des délinquants pour des vols rapides (« Pustura »). Selon les services de la police routière, plus de 30 % des accidents de la circulation enregistrés à Kinshasa en 2024 impliquaient des taxis-motos.
Cette interdiction d’accès au centre-ville n’est pas une surprise. Déjà en 2022, les autorités provinciales avaient évoqué la nécessité de « libérer » Gombe, Limete industriel et le boulevard du 30 Juin des motos-taxis, sans réussir à imposer la mesure face aux résistances sociales et économiques. La décision présidentielle, cette fois, donne un caractère ferme et définitif à cette restriction.
Désormais, les taxis-motos ne pourront plus opérer que dans les quartiers périphériques et populaires où ils demeurent indispensables pour compenser l’absence de routes carrossables et l’insuffisance des transports publics. Leur exclusion des zones stratégiques vise à renforcer l’ordre et la sécurité dans les espaces administratifs, diplomatiques et financiers de la capitale.
Les usagers : si certains saluent une décision qui pourrait fluidifier la circulation et réduire le chaos, d’autres craignent une flambée du coût des transports. Le trajet d’un périphérique vers Gombe, assuré en quelques minutes par moto, pourrait désormais nécessiter plusieurs correspondances en bus ou taxi-bus.
Les conducteurs : regroupés dans des associations, ils redoutent une perte de revenus. Beaucoup réclament des zones de stationnement dédiées en bordure du centre-ville pour continuer à servir leur clientèle.
Les experts en mobilité : certains estiment que la mesure doit s’accompagner d’une offre alternative crédible en transport public (bus, train urbain, taxis réglementés) pour éviter une crise de mobilité.
Cette décision s’inscrit dans une volonté plus large du gouvernement de réorganiser la mobilité urbaine à Kinshasa, mégalopole de plus de 15 millions d’habitants. Dans le même Conseil des ministres, il a été rappelé l’urgence de moderniser les infrastructures routières, de relancer la société TRANSCO et de renforcer la régulation du transport urbain.
Si son application effective reste à suivre, cette mesure marque un tournant dans la gestion de la capitale congolaise. Elle pose aussi une question majeure : comment concilier le besoin d’ordre et de sécurité avec la réalité économique d’une population dépendante des taxis-motos pour se déplacer ?
Junior Kulele


