Alors que les négociations de Doha entrent dans une phase décisive, les enjeux deviennent plus clairs : les 8 protocoles appelés à constituer l’accord de paix global entre la République démocratique du Congo et le M23/RDF sont désormais rendus publics. Deux d’entre eux ont déjà été signés, ouvrant la voie à la suite du processus, mais les prochains chapitres s’annoncent particulièrement complexes.
Ce cadre d’accord, pensé pour mettre fin à plus d’une décennie d’instabilité dans l’Est de la RDC, touche à tous les secteurs : militaire, humanitaire, sécuritaire, socioéconomique et institutionnel. Et si la publication officielle des protocoles est un pas important vers la transparence, les négociations les plus sensibles restent à venir.
1. Le mécanisme de libération des prisonniers (signé le 14 septembre 2025)
Il prévoit la libération progressive des personnes détenues en lien avec le conflit, sous supervision d’un comité tripartite (RDC – M23/RDF – facilitateurs). Pour Kinshasa, l’enjeu est d’éviter que ne soient libérés des criminels de guerre non repentants ; pour le M23, c’est une condition politique majeure pour avancer.
2. Le mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu (signé le 14 octobre 2025)
Ce mécanisme, stratégique, doit garantir le respect du cessez-le-feu sur le terrain. Il s’appuie sur des observateurs neutres, mais aussi sur une technologie de suivi, afin de limiter les violations nombreuses dans les précédents processus. Malgré la signature, la situation sur le terrain reste fragile, avec des zones où les hostilités n’ont pas totalement cessé.
Les protocoles les plus sensibles : un test pour la souveraineté congolaise
Les protocoles 4, 5 et 6 sont considérés comme les plus délicats. Ils touchent directement aux questions de souveraineté nationale, d’intégrité territoriale et d’avenir des communautés — des points qui ont toujours bloqué les discussions dans le passé.
3. Accès humanitaire et protection judiciaire
Ce protocole touche à la circulation des ONG, à la protection des civils, au traitement des victimes et à la lutte contre l’impunité.
Le défi : garantir l’accès dans les zones encore sous contrôle M23/RDF, souvent interdites aux humanitaires.
4. Restauration de l’autorité de l’État, réformes et gouvernance participative
C’est le cœur des préoccupations du gouvernement congolais. Comment rétablir l’administration dans les zones occupées? Quelle place pour les autorités coutumières et locales ? Quelles réformes accepter sans céder à une forme d’autonomie revendiquée par certains groupes ? Kinshasa veut éviter toute concession qui pourrait ressembler à une « balkanisation administrative ».
5. Arrangements sécuritaires intérimaires et DDR
Sans doute le protocole le plus sensible.
Il traite : du cantonnement des combattants, de la démobilisation, d’une éventuelle réintégration dans les FARDC, de l’encadrement des armes lourdes, du retrait complet des forces étrangères. C’est ici que les divergences risquent d’être les plus vives.
Le gouvernement exige un désarmement total ; le M23 réclame des garanties d’intégration. Un équilibre difficile à trouver.
6. Identité, citoyenneté, retour des réfugiés et déplacés
Ce point interroge directement les tensions historiques autour des questions de nationalité, des conflits fonciers et de la cohabitation intercommunautaire.
Plus de 700 000 réfugiés et personnes déplacées sont concernés. La RDC veut un retour ordonné et sécurisé ; certaines parties demandent un retour immédiat.
Les protocoles sociaux et de justice : reconstruire la confiance
7. Relance économique et services sociaux
Il s’agit de restaurer les infrastructures, relancer les activités économiques, soutenir l’agriculture, reconstruire les écoles et les hôpitaux dans les zones affectées. La réussite du processus dépendra aussi de la capacité à redonner un avenir aux populations épuisées par la guerre.
8. Justice, vérité et réconciliation
Ce chapitre aborde les crimes de guerre, les massacres, les violences sexuelles et les disparitions forcées. Un mécanisme hybride de justice transitionnelle pourrait voir le jour.
L’enjeu : éviter une paix « sans justice » qui n’apaiserait rien.
Doha : un processus sous pression internationale
Les États-Unis, la France, le Qatar, l’Union africaine, l’EAC, la CIRGL et l’ONU suivent de près les discussions. Mais le succès dépendra avant tout : de la bonne foi des parties, de la capacité à imposer des garanties, et du respect du calendrier des engagements.
Conclusion : entre espoir et incertitudes
La publication des protocoles marque une étape importante, mais le chemin vers un accord de paix complet reste long et semé d’embûches. Les protocoles les plus techniques et politiquement sensibles sont devant. La RDC aborde cette phase avec prudence, consciente que chaque mot négocié à Doha aura un impact direct sur la sécurité, la souveraineté et l’avenir de millions de Congolais. Le plus dur reste, effectivement, à faire.
Junior Kulele


