Un pas important vient d’être franchi dans la quête d’une paix durable à l’Est de la République démocratique du Congo. Le samedi 15 novembre, à Doha, les délégués du gouvernement congolais et ceux de la rébellion AFC/M23 ont signé un accord-cadre qui fixe les bases de la poursuite des négociations en vue d’un accord de paix global. Un tournant que le ministère des Affaires étrangères du Qatar qualifie de « nouvelle étape » dans un processus initié avec la Déclaration de principes de Doha, signée le 19 juillet dernier.
Quelques heures après la signature, le ministère congolais de la Communication et Médias a publié un communiqué optimiste, qualifiant cet accord-cadre d’étape décisive vers une paix juste, inclusive et durable dans l’Est du pays. Le gouvernement congolais rappelle que la paix, la sécurité et la prospérité du peuple demeurent sa priorité.
« Aucun statu quo n’est compatible avec cet objectif. Le processus engagé vise à créer, dans les plus brefs délais, les conditions d’un changement réel et mesurable pour les populations affectées », souligne le communiqué. La protection des civils femmes, enfants et personnes déplacées est désignée comme priorité absolue.
L’accord-cadre signé à Doha repose sur huit protocoles couvrant l’ensemble des dimensions politiques, sécuritaires, humanitaires et sociales du conflit :
Mécanisme de libération des prisonniers signé le 14 septembre 2025; Mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu signé le 14 octobre 2025; Accès humanitaire et protection judiciaire; Restauration de l’autorité de l’État, réformes et gouvernance participative; Arrangements sécuritaires intérimaires et DDR; Identité, citoyenneté, retour et réinstallation des réfugiés et déplacés; Relance économique et services sociaux; Justice, vérité et réconciliation.
Les six protocoles non encore signés feront l’objet de discussions techniques dans les deux semaines suivant l’accord-cadre. Il s’agira de définir les modalités d’application, les calendriers et les engagements précis de chaque partie.
Parmi les premières réactions internationales, celle du président français, Emmanuel Macron, a fortement retenti : « Une véritable ouverture pour la paix et une lueur d’espoir pour tous. Merci aux parties pour leur esprit constructif et au Qatar pour son rôle déterminant », a-t-il écrit sur X. Il a assuré que la France continuerait d’œuvrer pour la paix et la stabilité dans la région.
Cette signature survient après le sixième round de discussions, le 14 octobre, qui avait déjà abouti à un mécanisme conjoint de vérification du cessez-le-feu. Mais sur le terrain, les deux parties continuent de s’accuser de violer ce même cessez-le-feu, révélant un fossé persistant entre engagements diplomatiques et réalité militaire.
Certains leaders politiques congolais, dont Delly Sessanga, n’ont pas tardé à émettre de vives critiques : « Un accord de principe qui se superpose à un autre accord de principe ne vaut rien. C’est un vœu pieux. L’empilement de principes masque mal les limites des processus de Doha et de Washington. » Pour lui, le seul chemin viable reste un dialogue inclusif, sans faux-semblants : « L’impasse actuelle nourrit deux vases communicants d’une même réalité : la bunkerisation à Kinshasa et la balkanisation continue à l’Est. »
Au-delà des déclarations officielles, la perception au sein de la population reste teintée d’amertume. L’AFC/M23 a clairement fait savoir que cet accord ne changerait rien dans l’immédiat. Les violences se poursuivent, alimentant le sentiment que les pourparlers diplomatiques peinent à produire des résultats concrets. Les récentes déclarations du président rwandais Paul Kagame ajoutent à cette inquiétude.
Du côté de Kinshasa, le gouvernement a exigé, par la voix de son porte-parole Patrick Muyaya, le retrait préalable des troupes rwandaises avant tout engagement dans la prochaine phase du processus supervisé par Washington. Cet échange musclé souligne combien les tensions régionales demeurent vives et combien la question rwandaise constitue le cœur du blocage.
Si l’accord-cadre de Doha apporte un cadre, une méthode et une dynamique, il ne dissipe pas les doutes. La RDC se retrouve dans une équation complexe où les intentions réelles des acteurs régionaux restent floues, et où le terrain continue de contredire les engagements diplomatiques. La signature donne une impulsion. Mais pour qu’elle se transforme en paix réelle, une vérité s’impose : seuls des gestes concrets, vérifiables et immédiats changeront la vie des populations martyrisées de l’Est.
Pour l’heure, Doha ouvre une porte… mais personne ne sait encore si elle mène vers la sortie du conflit ou vers un autre couloir d’incertitudes.
Junior Kulele


