Les pourparlers entre la délégation du gouvernement congolais et celle de l’Alliance du Fleuve Congo/M23 ont franchi une étape déterminante à Doha. Les émissaires de Kinshasa, arrivés ont immédiatement rejoint la table des discussions où les attendaient les représentants de Corneille Nangaa et ses alliés. L’objectif de ce nouveau round était clair : finaliser un accord-cadre ou une feuille de route opérationnelle ouvrant ainsi la voie à une désescalade progressive du conflit dans l’Est de la République démocratique du Congo.
Contrairement à un accord de paix global, l’accord-cadre signé n’a pas pour vocation de régler immédiatement tous les aspects du conflit. Il fixe les principes directeurs, balise les responsabilités des parties et défini le mécanisme général du processus de règlement. Le dispositif final repose sur deux piliers complémentaires : L’accord-cadre qui constitue la charpente politique et conceptuelle du processus ; Une série de protocoles thématiques, destinés à détailler les mesures concrètes d’application. Deux de ces protocoles dont les contenus restent confidentiels ont déjà été signés, ce qui atteste d’avancées techniques non négligeables.
Le texte débattu à Doha propose une restauration progressive, coordonnée et contrôlée des institutions publiques dans les zones touchées par les violences. Cette restauration englobe : le retour de l’ordre public et de l’administration civile, la sécurité des populations et la liberté de circulation, l’accès aux documents officiels (état civil, titres légaux), la réouverture ou la normalisation des services financiers. Cette approche graduelle doit permettre d’éviter un vide administratif tout en créant les conditions d’un retour effectif de l’État.
Au cœur des négociations figure un volet hautement sensible : les arrangements de sécurité transitoires. Les deux parties devront déterminer ensemble : la composition de ces dispositifs, leur chaîne de commandement, la durée de la transition et leur mandat exact, notamment en matière de protection des civils, de patrouilles mixtes et de contrôle des axes stratégiques. Ces éléments seront formalisés dans des protocoles spécifiques encore en discussion. Leur contenu sera déterminant pour rassurer les populations et limiter les risques de reprise des hostilités.
Les négociateurs prévoient également que le gouvernement déclare un état d’urgence humanitaire dans les territoires affectés depuis plus d’une décennie par les violences. Cette reconnaissance permettra de : mobiliser plus rapidement les ressources, faciliter l’intervention des acteurs humanitaires et déclencher un programme spécial de pacification et de reconstruction. La nature, le financement et l’organisation de ce programme devront eux aussi être définis dans des protocoles additionnels.
Si Kinshasa et l’AFC/M23 parviennent à s’entendre sur le texte final, plusieurs dynamiques positives pourraient s’enclencher : Réduction immédiate des tensions sur le terrain grâce à des instructions coordonnées aux forces en présence; Mise en place d’un mécanisme conjoint de surveillance, incluant éventuellement des observateurs régionaux ou internationaux; Implication accrue des partenaires tels que le Qatar, l’Union africaine, la CIRGL ou la SADC; Définition d’un calendrier de retrait progressif des combattants M23/AFC des zones actuellement occupées.
Les observateurs régionaux saluent la présence simultanée des deux délégations, une avancée notable après des années de négociations indirectes, de méfiance mutuelle et de rupture du dialogue. Les tentatives précédentes avaient souvent échoué en raison : du manque de confiance entre les parties, des interférences régionales, notamment celles liées au rôle du Rwanda, des difficultés à mettre en œuvre des engagements sécuritaires sur le terrain et de la divergence profonde sur les responsabilités dans le conflit. Cette fois cependant, la structure adoptée, un accord-cadre complété par des protocoles sectoriels semble apaiser certaines inquiétudes et offrir une approche plus pragmatique.
Pour qu’un accord final voit le jour, les deux parties doivent encore s’entendre sur plusieurs aspects essentiels : les calendriers d’application des mesures, le séquençage des engagements sécuritaires et administratifs, les domaines opérationnels couverts par chaque protocole, les garanties juridiques pour les populations et les acteurs impliqués, les ressources financières et logistiques mobilisables, les modalités de vérification et d’évaluation de l’accord. Le succès du processus dépendra également de la capacité des acteurs régionaux et internationaux à accompagner, surveiller et soutenir la mise en œuvre.
En définitive, ce round de Doha est une étape majeure, mais encore loin d’être la conclusion du processus. La signature de l’accord-cadre constitue certes un signal politique fort, mais le véritable défi réside dans l’élaboration des protocoles d’application et surtout dans leur mise en œuvre sur un terrain où les tensions restent vives et les intérêts divergents. Quoi qu’il en soit, la dynamique enclenchée place Doha comme un espace diplomatique clé dans la quête de paix durable dans l’Est de la RDC.
Junior Kulele


