L’Enseignement Supérieur et Universitaire (ESU) congolais pensait avoir trouvé une parade durable contre la multiplication des procès internes grâce à la note circulaire n°011 du 31 août 2020, qui interdit aux membres du corps académique et scientifique de traîner leurs différends devant la justice ordinaire. Mais ce mardi 23 septembre 2025, le Tribunal de paix de la Gombe sera le théâtre d’un affrontement judiciaire qui remet en cause cet équilibre fragile : le Professeur Kitumu Mayimona y sera jugé pour diffamation et imputations dommageables, à la suite d’une plainte déposée par Dori Dumbi Kongolo, récemment recruté à l’UNISIC (ex-IFASIC).
À l’origine du litige, une dénonciation : le Professeur Kitumu avait alerté le rectorat sur la validité douteuse du doctorat en ligne obtenu en 2022 par Dori Dumbi. Ce type de diplôme, délivré en un temps record avec un nombre de crédits inférieur à ceux exigés par les standards internationaux, n’est pas reconnu en République Démocratique du Congo. Kitumu a jugé nécessaire de s’interroger publiquement sur la rigueur scientifique de ce cursus, suscitant la colère de son collègue.
Plutôt que d’emprunter les voies de recours internes prévues par la réglementation du secteur, Dori Dumbi a choisi de saisir la justice ordinaire, accusant Kitumu de l’avoir diffamé. Un geste qui va frontalement à l’encontre de la directive ministérielle de 2020.
La circulaire en question est claire : tout membre de l’ESU qui soumet un conflit interne à la justice ordinaire sans épuiser les recours internes s’expose à une révocation pure et simple. Depuis son entrée en vigueur, cette mesure avait permis de réduire considérablement la « judiciarisation » des querelles académiques, privilégiant les mécanismes d’arbitrage universitaires et protégeant l’image des institutions.
En réintroduisant un litige devant les tribunaux, l’affaire Dori Dumbi crée un précédent dangereux. Elle ouvre la porte à une multiplication des contentieux judiciaires, au détriment de la cohésion, de la discipline et de l’autorégulation qui font la force du secteur.
Au-delà de la procédure, un autre élément pèse lourdement : Dori Dumbi se présente publiquement comme « professeur », alors qu’aucun arrêté ministériel n’a officialisé ce statut. Or, selon l’article 105 de la Loi n°18/038 portant statut du personnel de l’ESU, il s’agit là d’une usurpation de qualité, constitutive d’une infraction passible de poursuites.
Cette double zone grise — doctorat contesté et titre académique non validé — pose de sérieuses questions sur la transparence des recrutements dans certaines institutions universitaires, et sur les mécanismes de contrôle qui devraient préserver la crédibilité des qualifications académiques.
Cette affaire révèle les failles persistantes de la gouvernance du secteur de l’ESU. Elle fragilise la crédibilité d’institutions déjà confrontées à des défis multiples : déficit de financement, grèves récurrentes, fuite des cerveaux, et nécessité d’adapter l’offre académique aux standards internationaux.
Il appartient désormais à la tutelle ministérielle d’intervenir avec autorité pour : Rappeler la validité et la force obligatoire de la note circulaire du 31 août 2020 ; Sanctionner les violations avérées de cette directive ; Engager une enquête sur l’usurpation présumée du titre de professeur et sur la validité du diplôme contesté.
Sans une action ferme et exemplaire, le risque est grand de voir se multiplier les litiges portés devant la justice civile, transformant les universités en terrains de règlement de comptes, au détriment de leur mission première : la transmission du savoir et la production scientifique.