La République démocratique du Congo a voulu marquer les esprits à Washington. Conduite par le ministre des Finances, Doudou Fwamba, la délégation congolaise a pris part aux Assemblées annuelles du FMI et du Groupe de la Banque mondiale. Un rendez-vous stratégique pour un pays en quête de crédibilité financière, désireux de consolider ses réformes et de renforcer la confiance de ses partenaires internationaux.
Dans un contexte mondial marqué par des tensions économiques et une redéfinition des rapports financiers, la présence de Kinshasa dans la capitale américaine revêt une portée symbolique. La RDC, riche en ressources naturelles mais longtemps perçue comme instable, veut désormais afficher un visage de rigueur et de stabilité.
Depuis deux ans, le gouvernement congolais s’est engagé dans une restructuration profonde de ses finances publiques. Le ministre Doudou Fwamba en est le principal architecte et porte-voix. Parmi les avancées notables, il cite : la mise en œuvre du Compte unique du Trésor, l’instauration de la facture normalisée, la généralisation du budget-programme et la modernisation de la fiscalité avec l’introduction de l’IRPP (Impôt sur les revenus des personnes physiques) et de l’IS (Impôt sur les sociétés).
Des mesures qui visent à rationaliser la gestion publique, accroître la transparence et réduire les zones d’ombre qui ont longtemps miné l’administration financière congolaise. À Washington, la délégation congolaise a présenté une économie en croissance de 6,5 % en 2024, bien supérieure à la moyenne régionale. L’inflation, quant à elle, est passée de 22 % à 7,8 % entre mi-2024 et septembre 2025, et le taux de change semble stabilisé. Ces indicateurs traduisent, selon le ministre, une résilience économique malgré le contexte sécuritaire tendu à l’Est du pays.
Mais ces chiffres doivent être lus avec prudence. La croissance reste fortement dépendante du secteur minier, et les retombées sociales demeurent limitées. La baisse de l’inflation, elle, s’explique davantage par la rigueur monétaire et la contraction de la demande que par une transformation structurelle de l’économie. Autrement dit, la RDC progresse dans ses équilibres macroéconomiques, mais le quotidien des Congolais — celui du panier de la ménagère et du pouvoir d’achat — ne ressent pas encore les effets de cette stabilité affichée.
Quelques jours avant son départ pour Washington, Doudou Fwamba avait présidé à Kinshasa une réunion du Cadre permanent de concertation et de suivi de la réforme des finances publiques, rassemblant ambassadeurs, bailleurs, FMI, Banque mondiale, BAD et Union européenne. Cette plateforme illustre la volonté du gouvernement de travailler en transparence et en concertation, mais aussi la forte influence technique des institutions financières sur la politique budgétaire congolaise. Les programmes soutenus par la Facilité Élargie de Crédit imposent des repères rigoureux, souvent fixés de l’extérieur.
Le ministre doit donc jongler entre les exigences des bailleurs et la souveraineté nationale, un exercice d’équilibriste dans lequel la RDC cherche à transformer la dépendance en partenariat équilibré. Le message de Doudou Fwamba à Washington a été clair : la bonne gouvernance est la pierre angulaire de la nouvelle politique économique congolaise. Lutter contre la corruption, le détournement de fonds et le blanchiment d’argent reste une priorité.
Le Compte unique du Trésor, censé centraliser toutes les ressources publiques, constitue un test majeur. Sa réussite dépendra de la discipline des institutions et d’une réelle volonté politique d’en finir avec les circuits financiers parallèles. Si les partenaires internationaux saluent les progrès, la société civile, elle, réclame des résultats concrets : publication des comptes, sanctions contre les fraudeurs et gestion participative des fonds publics.
Pour Kinshasa, le véritable défi sera de convertir les succès macroéconomiques en dividendes sociaux tangibles. La stabilité ne prendra tout son sens que si elle se traduit par plus d’emplois, un coût de la vie maîtrisé et un meilleur accès aux services publics. La mission de Doudou Fwamba à Washington incarne cette RDC nouvelle, ambitieuse, réformatrice, mais encore en quête de résultats palpables. Les chiffres rassurent, les discours séduisent, mais la confiance durable ne naîtra que de la constance dans l’action.
Entre la vitrine des réformes et la réalité du terrain, Kinshasa joue une partie décisive : celle de sa crédibilité économique. Et à ce jeu, seule la transparence durable fera la différence.
Constantin Ntambwe
