Lors de l’audience solennelle de la rentrée judiciaire 2025-2026 de la Cour de cassation, tenue en présence du Président de la République Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le Procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, a livré une mercuriale remarquée, axée sur « la problématique de la répression de l’enrichissement illicite en droit positif congolais ».
Dans son allocution, Firmin Mvonde a plaidé pour que l’enrichissement illicite soit reconnu comme une infraction autonome en droit congolais, et non plus comme une simple variante de la corruption. « Il faut ériger l’enrichissement illicite en infraction autonome », a-t-il déclaré, estimant qu’une telle évolution « suppose une révision du Code pénal congolais » afin de combler les lacunes actuelles.
Le magistrat a souligné que le droit congolais, dans sa formulation actuelle, ne permet pas de poursuivre efficacement ce type de délit, pourtant à la racine de nombreux cas de corruption et de détournement de fonds publics.
Pour rendre cette infraction réellement opérationnelle, le Procureur général a proposé un renversement de la charge de la preuve, une approche déjà adoptée dans plusieurs législations modernes de lutte contre la corruption. « Il incombera à l’accusé de prouver à la barre l’origine licite des biens acquis et la légalité des moyens dont il dispose », a-t-il expliqué.
Firmin Mvonde recommande également que la future loi prévoie un mécanisme de recouvrement des avoirs illicites, ciblant en priorité les agents publics. Les peines complémentaires pourraient aller jusqu’à l’exclusion définitive de la Fonction publique, a-t-il précisé.
Afin de garantir l’efficacité de cette réforme, le Procureur général a suggéré la création d’un Parquet financier, doté d’un corps de magistrats spécialisés capables de traiter les dossiers complexes liés à l’enrichissement illicite et aux crimes économiques. Il a par ailleurs plaidé pour une protection juridique accrue des lanceurs d’alerte de bonne foi, insistant sur le fait que ces derniers « ne devraient pas être poursuivis pour dénonciation calomnieuse lorsqu’ils agissent dans l’intérêt public ».
Par cette mercuriale, Firmin Mvonde a mis en lumière la volonté du pouvoir judiciaire congolais de renforcer la transparence et la responsabilité des gestionnaires publics.
Sa proposition d’ériger l’enrichissement illicite en infraction autonome s’inscrit dans une logique de moralisation de la vie publique, prônée par le Chef de l’État depuis son accession à la magistrature suprême.
La rentrée judiciaire 2025-2026 aura ainsi servi de tribune à une réflexion profonde sur la nécessité de moderniser les instruments juridiques pour mieux répondre aux défis de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption en République Démocratique du Congo.
Junior Kulele