L’Union nationale de la presse du Congo (UNPC) a exprimé, ce vendredi, sa profonde inquiétude face à la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) de suspendre, pour une durée de 90 jours, la diffusion des activités du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), formation politique de l’ancien président Joseph Kabila.
Dans un communiqué au ton ferme, l’organe d’autorégulation des journalistes congolais dit suivre cette mesure conservatoire « avec le plus grand émoi », dénonçant une régulation solitaire aux relents liberticides. Tout en émettant des réserves sur les compétences du CSAC à s’immiscer dans la liberté éditoriale des médias, l’UNPC formule cinq observations de fond remettant en question la légitimité et l’opportunité de cette décision controversée.
L’UNPC rappelle d’abord que toute régulation médiatique repose avant tout sur un socle philosophique : la liberté de la presse et d’expression. Elle insiste ensuite sur le fait que toute régulation sérieuse s’exerce a posteriori — jamais a priori, au risque de tomber dans la censure déguisée. « Les journalistes et les médias ne peuvent s’accommoder de la censure et de l’inquisition qui en résulte », souligne le communiqué signé par Kamanda Wa Kamanda Muzembe, président de l’UNPC.
La troisième observation insiste sur le rôle critique de la presse dans une société démocratique. Selon l’UNPC, une régulation visant à « embrigader les médias » compromet la fonction essentielle du journalisme : être la conscience critique de la société.
L’Union rappelle ensuite que la Constitution congolaise garantit à la fois le droit du public à l’information et la liberté de la presse. Même si des restrictions peuvent être tolérées en temps de guerre, celles-ci doivent être proportionnelles, nécessaires et justifiées.
Enfin, l’organisation s’interroge sur le message que renvoie une telle mesure dans un contexte de recherche de cohésion nationale. « Pourquoi vouloir faire passer les journalistes pour des porteurs d’armes et de munitions ? », s’interroge-t-elle, en référence aux souffrances vécues à l’Est du pays.
Craignant de voir les journalistes « livrés à la furie d’une régulation maximaliste », l’UNPC appelle le CSAC à faire preuve de discernement pour éviter une escalade incontrôlable. Elle invite en parallèle les professionnels des médias à faire preuve de sérénité, tout en redoublant de professionnalisme dans l’exercice de leur métier, en particulier dans ce contexte de guerre et d’agression étrangère.
La controverse a également enflammé l’Assemblée nationale, où le rapport annuel 2024 du CSAC était au centre des débats ce vendredi. Plusieurs députés ont dénoncé le caractère partisan et autoritaire de la gestion actuelle de l’institution.
Le député Séverin Bamani, spécialiste en communication, a critiqué le modus operandi du CSAC, affirmant qu’il semble fonctionner « pour faire plaisir soit au gouvernement, soit au président de la République ». Il a rejoint l’UNPC sur un point essentiel : la régulation ne peut être préventive sans glisser vers la censure.
Christian Mwando, autre député national, a quant à lui remis en cause la teneur même du rapport présenté, qu’il qualifie de « discours militant », très éloigné des missions fondamentales du CSAC. Il a rappelé que cette institution a pour vocation de garantir la liberté de la presse, de protéger les journalistes, et d’assurer l’accès équitable de tous les acteurs politiques et sociaux aux médias publics.
Alors que la tension monte entre les acteurs de la régulation, les journalistes et les parlementaires, la décision du CSAC continue de diviser et de nourrir les débats sur l’équilibre fragile entre sécurité, régulation et libertés fondamentales en République démocratique du Congo.
La rédaction de b-onetv.cd