Le 17 mai 1997 marque une date charnière dans l’histoire de la République Démocratique du Congo (RDC). Ce jour-là, après plus de 32 ans de règne sans partage, le maréchal Mobutu Sese Seko est contraint de quitter le pouvoir. Les troupes de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL), dirigées par Laurent-Désiré Kabila, entrent triomphalement à Kinshasa. Ce changement de régime met fin à la dictature zaïroise et ouvre une nouvelle page de l’histoire nationale. Vingt-huit ans plus tard, les conséquences de cet événement continuent de façonner la vie politique, sociale et économique du pays.
Un tournant historique
La chute de Mobutu fut saluée par une grande partie de la population congolaise, épuisée par des décennies de corruption, de mauvaise gouvernance et de répression. Laurent-Désiré Kabila, devenu président, promet de restaurer la dignité du peuple congolais et de bâtir un État plus juste. Le pays retrouve son ancien nom, « République Démocratique du Congo« , comme un symbole de rupture avec l’ère zaïroise.
Mais rapidement, l’enthousiasme cède la place aux désillusions. Le régime Kabila se montre autoritaire, ferme l’espace politique et peine à instaurer une véritable démocratie. La guerre dite « des Grands Lacs » éclate dès 1998, plongeant le pays dans un nouveau cycle de violence impliquant plusieurs puissances régionales.
Des conséquences durables
1. Une transition démocratique encore inachevée
L’éviction de Mobutu a permis l’ouverture du débat démocratique, mais celui-ci reste incomplet. Après l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila en 2001, son fils Joseph Kabila prend le pouvoir et reste à la tête du pays pendant 18 ans. En 2019, pour la première fois dans l’histoire du pays, une passation pacifique du pouvoir a lieu entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi. Ce transfert pacifique est salué comme un acquis majeur, même si des soupçons de compromission ont entaché la crédibilité des résultats.
2. Une instabilité persistante dans l’Est
L’Est du pays, en particulier les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, reste confronté à des conflits armés. Hérités en partie des conséquences de l’entrée de l’AFDL et de ses alliés rwandais et ougandais en 1996-1997, ces conflits perdurent à travers des groupes rebelles comme le M23, les ADF ou encore les milices locales (Maï-Maï ou Wazalendo). La militarisation de la politique et l’exploitation illégale des ressources naturelles continuent d’alimenter les violences.
3. Un système politique façonné par la guerre
Le régime issu du 17 mai a instauré une nouvelle classe politique souvent issue des rangs militaires ou des rébellions. La gestion du pouvoir reste marquée par un clientélisme hérité de l’époque Mobutu, que la guerre a aggravé. Les institutions sont encore fragiles, et la corruption continue de miner les efforts de développement.
Une mémoire ambivalente
Le 17 mai est officiellement célébré comme la Journée des Forces armées de la RDC, en souvenir de l’entrée de l’AFDL à Kinshasa. Toutefois, cette date ne fait pas l’unanimité. Pour certains, elle incarne la libération d’un peuple opprimé. Pour d’autres, elle symbolise le début d’une nouvelle forme de domination, notamment par l’influence étrangère dans les affaires internes du pays. De plus, les victimes des guerres qui ont suivi n’ont toujours pas obtenu justice.
Vers quel avenir ?
Aujourd’hui, la RDC tente de tourner la page des conflits et de s’engager sur la voie du développement durable. Les efforts de réformes démocratiques, de pacification de l’Est et de relance économique sont en cours, notamment sous le leadership du président Félix Tshisekedi. Mais les défis restent immenses : renforcer l’État de droit, restaurer la confiance des citoyens et garantir la sécurité pour tous.
Le 17 mai 1997 reste un événement fondateur pour la RDC contemporaine. Il a mis fin à une dictature mais a aussi ouvert la porte à de nouveaux défis. Comprendre cette date, c’est mieux saisir les tensions et les espoirs qui traversent encore aujourd’hui la société congolaise. Vingt-huit ans après, l’héritage du 17 mai continue d’interpeller : libération ou illusion ? C’est à la génération actuelle de Congolais d’en définir le sens et de construire l’avenir.
Junior Kulele


