Chaque 30 avril, la République démocratique du Congo célèbre la Journée nationale de l’Enseignement, une occasion solennelle pour saluer le rôle crucial des enseignants dans la formation des générations futures. Mais cette date est aussi devenue, au fil des années, le miroir d’un secteur en crise chronique, où les promesses officielles peinent à se traduire dans les faits.
Les enseignants : pilier ignoré du système éducatif
En RDC, l’enseignant reste, pour beaucoup, un acteur sous-évalué, souvent réduit à un quotidien de précarité. Malgré leur rôle fondamental, la majorité d’entre eux vit avec des salaires qui oscillent entre 150 000 et 250 000 FC par mois (soit à peine 50 à 100 USD), loin de couvrir les besoins élémentaires. Nombreux sont ceux qui n’ont jamais été mécanisés, parfois après des années de service.
Les conditions de vie des enseignants restent très préoccupantes, aggravées par l’inflation, le coût élevé des transports, le manque d’accès aux soins de santé ou encore l’absence de logements décents. La question de la retraite constitue également un angle mort : beaucoup d’enseignants âgés continuent à exercer, faute de prise en charge effective après l’âge légal.
L’accord de Mbudi : un engagement devenu symbole d’oubli
Signé entre le gouvernement et les syndicats d’enseignants, l’accord de Mbudi prévoyait une revalorisation salariale progressive, la mécanisation des enseignants non payés, l’amélioration des infrastructures et un cadre de dialogue social régulier. Des années plus tard, cet accord reste, pour beaucoup, lettre morte. La plupart des engagements pris sont encore à l’étape de promesses, alimentant colère et découragement dans le corps enseignant.
La gratuité de l’enseignement : avancée sociale ou réforme inachevée ?
Lancée en 2019, la gratuité de l’enseignement primaire dans les écoles publiques est saluée comme une mesure historique ayant permis la scolarisation de millions d’enfants. Mais sur le terrain, cette réforme s’est heurtée à des réalités difficiles : classes surchargées, manque d’enseignants formés, infrastructures insuffisantes, retard dans les primes de gratuité, et surcharge de travail pour les enseignants.
Faute de moyens adéquats, de nombreuses écoles peinent à fonctionner, et certains établissements exigent encore des frais illégaux pour compenser le manque de ressources. La qualité de l’enseignement en souffre, avec des résultats scolaires souvent en baisse et un découragement croissant chez les enseignants.
Un système éducatif en mal de modernisation
La dégradation des infrastructures scolaires est un autre indicateur du malaise. Des milliers d’écoles à travers le pays manquent d’eau potable, de latrines, de bancs, voire de toitures. Des salles de classe improvisées sous des bâches ou des arbres sont encore une réalité dans plusieurs zones rurales.
Quant au niveau d’enseignement, il demeure faible selon de nombreuses évaluations nationales et internationales. L’absence de manuels, le manque de formation continue des enseignants et l’obsolescence des programmes d’enseignement contribuent à la détérioration générale du système.
Les attentes toujours vives du corps enseignant
À l’occasion de cette journée du 30 avril, plusieurs syndicats ont renouvelé leurs revendications : revalorisation salariale réelle, mécanisation des enseignants non pris en charge, retraite décente, amélioration des infrastructures, et surtout, respect des engagements pris par le gouvernement.
La Journée de l’Enseignement ne peut donc se limiter à un simple hommage symbolique. Elle doit être un moment d’introspection nationale, un appel pressant à replacer l’enseignant au centre de la politique éducative. Car sans enseignants valorisés, formés et soutenus, aucun système éducatif ne peut produire des citoyens responsables ni soutenir le développement du pays.
Junior Kulele