L’annonce, faite à Paris lors de la Conférence internationale sur la paix et la prospérité dans la région des Grands Lacs, de la réouverture prochaine de l’aéroport international de Goma a ravivé les tensions diplomatiques et politiques autour de l’est de la République démocratique du Congo. Près d’un an après de violents affrontements entre les FARDC et la rébellion AFC/M23, appuyée par le Rwanda, le président français Emmanuel Macron a précisé que cette reprise d’activités concernerait exclusivement les vols humanitaires, dans le respect strict de la souveraineté congolaise.
Mais cette précision n’a pas suffi à dissiper les suspicions. Kigali et le mouvement rebelle ont vivement réagi, contestant le cadre et la légitimité de cette décision. Par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, le Rwanda a salué la tenue de la conférence mais rejeté la démarche de Paris. « L’aéroport de Goma est sous le contrôle des autorités de fait, à savoir l’AFC/M23. Toute décision doit se prendre dans le cadre des négociations de Doha », a déclaré le chef de la diplomatie rwandaise, estimant que la France n’était « pas le cadre approprié » pour aborder la question en l’absence du mouvement rebelle.
Le coordinateur politique du mouvement, Corneille Nangaa, a pour sa part dénoncé une initiative « inopportune » et « déconnectée de la réalité du terrain ». Selon lui, évoquer une réouverture pour des raisons humanitaires alors que « les territoires de Walikale, Masisi, Fizi ou Walungu subissent encore des bombardements » traduit une méconnaissance de la situation. « L’annonce de la réouverture de l’aéroport apparaît prématurée dans un contexte marqué par les attaques de drones du régime de Kinshasa sur des cibles civiles », a-t-il écrit sur X (ex-Twitter), accusant le gouvernement congolais de maintenir un blocus aérien dans les zones qu’il qualifie de “libérées”.
Le leader de l’AFC/M23 a également mis en cause certains « lobbys humanitaires » qui, selon lui, « exploitent la détresse des populations déplacées à des fins politiques ou lucratives », appelant la France à adopter une position « juste et équitable » dans le dossier congolais.
À Kinshasa, la réaction ne s’est pas fait attendre. Le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a salué la décision issue de la Conférence de Paris, rappelant que la réouverture de l’aéroport de Goma ne se fera que sous autorisation des autorités congolaises et exclusivement pour des vols humanitaires diurnes. « Ce n’est ni l’agitation du père – le Rwanda – ni celle du fils – le M23 – qui remettra en cause l’engagement de ceux qui se sont mobilisés à Paris pour soulager des millions de femmes et d’enfants congolais », a-t-il martelé.
Le gouvernement congolais affirme que cette initiative s’inscrit dans une logique d’urgence humanitaire et non de tractation politique. « Vouloir marchander ou s’opposer à une intervention humanitaire urgente est un déni et une preuve supplémentaire du cynisme de ceux qui gouvernent par le crime », a poursuivi Muyaya. Il a en outre précisé que les Congolais déplacés au Burundi pourront également recevoir de l’aide via l’aéroport de Bujumbura, signe d’une coordination régionale renforcée.
Organisée par la France en collaboration avec le Togo, médiateur de l’Union africaine, cette conférence avait pour double objectif de mobiliser des fonds pour les victimes du conflit dans l’est de la RDC et de soutenir les efforts diplomatiques menés par les États-Unis, le Qatar et l’Union africaine. Avec plus de 1,5 milliard d’euros mobilisés, l’événement a permis à la communauté internationale de réaffirmer sa volonté d’appuyer une paix durable dans la région. Paris plaide pour une intégration économique régionale comme moteur de stabilité, tout en réitérant son soutien à la souveraineté de la RDC face aux agressions extérieures.
Si la réouverture annoncée de l’aéroport de Goma est censée symboliser un pas vers le retour à la normale, elle révèle surtout la persistance des fractures politiques et militaires dans la région. Entre les conditions posées par le M23, la méfiance de Kigali et la fermeté de Kinshasa, le chemin vers la paix demeure semé d’embûches. Mais à Paris, comme à Kinshasa, un message semble clair : la reprise de la vie civile et humanitaire à Goma ne se fera qu’en respectant la souveraineté du Congo et les engagements pris pour la paix.
La rédaction de b-onetv.cd


