Alors que la signature d’une déclaration de principes entre la République démocratique du Congo et le Rwanda à Washington nourrit l’espoir d’une désescalade, le Prix Nobel de la paix Denis Mukwege a exprimé vendredi sa prudence et ses réserves face à cette dynamique.
Dans une déclaration attentive mais ferme, le célèbre gynécologue congolais a salué l’élan en faveur de la paix tout en soulignant les inquiétudes profondes que soulève à ses yeux la forme et le fond des engagements pris récemment dans le cadre des pourparlers facilités par le Qatar et soutenus par les États-Unis.
« Alors que la population congolaise dans l’Est continue de traverser une crise sans précédent, nous avons suivi avec intérêt la publication de la déclaration conjointe des représentants de la RDC et du M23/AFC ainsi que la signature de l’accord de principe entre le gouvernement congolais et rwandais », a déclaré Mukwege.
Toutefois, il rappelle que cette dynamique, si elle peut être perçue comme un premier pas, suscite de nombreuses interrogations.
Mukwege insiste : la résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée en février, exigeait déjà un cessez-le-feu immédiat, le retrait inconditionnel des forces rwandaises du territoire congolais, ainsi que la fin de leur soutien au M23.
« Aucune autre condition ne devrait être nécessaire pour mettre fin à cette agression », martèle-t-il, qualifiant l’intervention rwandaise dans l’Est congolais d’« armée d’occupation ».
Le Dr Mukwege rappelle qu’une demi-douzaine d’accords de cessez-le-feu ont été signés ces dernières années, dans les cadres de Luanda et Nairobi, avant d’être systématiquement violés. Pour lui, cette répétition montre une stratégie bien connue : celle du « talk & fight », où les engagements diplomatiques servent à gagner du temps sur le terrain.
Autre source d’inquiétude : le manque de transparence des pourparlers actuels, particulièrement ceux facilités par le Qatar et les États-Unis. Mukwege avertit que sans clarté et participation ouverte, les processus diplomatiques risquent d’affaiblir encore davantage la confiance des populations, pourtant meurtries depuis des décennies.
Tout en affirmant soutenir les efforts de désescalade, Denis Mukwege conclut que la gravité du conflit, son caractère internationalisé, et les crimes de masse qui l’accompagnent ne peuvent être réglés par des solutions à minima. Il appelle à une approche globale, exigeant justice, réparations, et garanties réelles pour les victimes de ce qu’il décrit comme « l’une des catastrophes humanitaires les plus dramatiques du monde ».
Junior Kulele