Le 12 mars 2025, Human Rights Watch (HRW) a publié un rapport accablant mettant en lumière une nouvelle dimension du soutien du Rwanda aux rebelles de l’AFC/M23 : le contrôle de l’information et la manipulation médiatique. Selon ce rapport, Kigali sélectionne et accrédité les journalistes étrangers souhaitant couvrir les événements dans les territoires sous occupation du M23, consolidant ainsi son influence sur la communication et la perception du conflit.
Ce rapport renforce les soupçons sur l’implication directe du régime de Paul Kagame, qui ne se limite pas à l’appui militaire, mais s’étend également à la gestion de l’espace médiatique en RDC. Cette situation pose de graves questions sur la liberté de la presse, la manipulation de l’information, et le rôle de la communauté internationale face à cette stratégie de contrôle.
HRW révèle que tout journaliste étranger souhaitant entrer à Goma via le Rwanda doit obtenir une accréditation de presse rwandaise. Lawrence Kanyuka, le porte-parole de l’AFC/M23, aurait exigé cette accréditation et parfois même celle de l’Ouganda, confirmant ainsi l’implication des deux pays voisins. L’aéroport de Goma étant fermé, la seule route d’accès passe par le poste frontière de Gisenyi (Rwanda), contrôlé par les autorités rwandaises.
Le Rwanda impose une sélection stricte des journalistes, filtrant ceux qui peuvent couvrir la situation sur place. Des sommes allant de 500 à 1000 USD seraient exigées aux journalistes pour obtenir une accréditation. « Plusieurs journalistes ont déclaré que Lawrence Kanyuka, le porte-parole de l’AFC/M23, demandait aux journalistes étrangers de présenter une accréditation de presse rwandaise pour être autorisés à franchir la frontière vers Goma. » — HRW
En plus du coût financier, les journalistes sont obligés de déclarer à l’avance les sujets qu’ils comptent traiter, ce qui permet au Rwanda et au M23 de filtrer les informations diffusées à l’international. Le rapport de HRW va encore plus loin en identifiant des responsables rwandais impliqués dans ce système de contrôle de l’information. Parmi eux : Vincent Karega, ancien ambassadeur du Rwanda en RDC et désormais ambassadeur itinérant du Rwanda pour la région des Grands Lacs, qui supervise les opérations de transfert des journalistes entre Gisenyi et Goma.
Des membres du Service du Porte-Parole du Gouvernement rwandais, qui seraient chargés de coordonner cette censure. Selon HRW, les journalistes sont surveillés, et toute couverture critique du M23 ou du Rwanda est systématiquement filtrée. Ceux jugés trop indépendants se voient refuser l’accès. « Des témoins ont expliqué avoir vu des hauts responsables rwandais, y compris des membres du Service du Porte-Parole du Gouvernement rwandais, et Vincent Karega, à Gisenyi, organiser des transferts de journalistes à Goma. » — HRW
Ce contrôle médiatique rigoureux vise à imposer un récit favorable au M23 et à limiter la diffusion d’informations sur les exactions commises dans les zones sous son contrôle. Cette stratégie de contrôle de l’information s’inscrit dans une logique plus large de légitimation du M23 en tant qu’acteur politique et non plus seulement militaire.
En limitant l’accès aux journalistes indépendants, Kigali et le M23 cherchent à : Imposer un récit officiel favorable au M23 et minimiser les accusations de crimes de guerre. Contrôler la perception internationale en empêchant la diffusion de preuves sur les exactions contre les civils. Étouffer toute opposition locale en censurant les voix dissidentes et les journalistes congolais indépendants. Cette mainmise sur l’information complique le travail des ONG et des médias internationaux qui tentent d’exposer les abus du M23 et le rôle du Rwanda dans la déstabilisation de l’Est de la RDC.
Ce rapport de HRW constitue une nouvelle preuve accablante du rôle du Rwanda dans le conflit en RDC. Pourtant, la réaction de la communauté internationale reste timide. L’ONU et l’Union Européenne devraient exiger une enquête indépendante sur la censure médiatique imposée par le Rwanda. Les organisations de défense de la presse comme Reporters Sans Frontières (RSF) doivent dénoncer ces pratiques et protéger les journalistes indépendants.
La Cour Africaine des Droits de l’Homme pourrait être saisie pour enquêter sur les atteintes à la liberté de la presse dans les zones occupées par le M23. Le silence de certaines grandes puissances face à cette censure pourrait être interprété comme une forme de complicité passive, permettant au Rwanda de manipuler l’opinion internationale sans opposition réelle.
Le contrôle médiatique imposé par le Rwanda et l’AFC/M23 en RDC ne se limite pas à une simple question de logistique. Il s’agit d’une stratégie politique et militaire bien orchestrée visant à imposer un récit favorable au M23, à censurer les critiques, et à manipuler l’opinion publique internationale. Cette politique pose une grave menace pour la liberté de la presse et compromet la possibilité d’un débat objectif sur la crise sécuritaire dans l’Est de la RDC.
Si Kinshasa et la communauté internationale ne réagissent pas fermement, le Rwanda continuera d’étendre son influence, d’étouffer les voix indépendantes et de renforcer sa stratégie d’occupation et de manipulation du territoire congolais.
La rédaction de b-onetv.cd


