Plusieurs organisations de la société civile congolaise et internationale ont interpellé les dirigeants de l’Union européenne (UE) pour exiger la fin du protocole d’accord signé en février 2024 entre l’UE et le Rwanda sur les chaînes de valeur durables des matières premières. Ces organisations dénoncent l’implication du Rwanda dans l’exploitation illégale des ressources naturelles de la République démocratique du Congo (RDC) et son soutien militaire au groupe armé M23, qu’elles tiennent pour responsable de l’aggravation du conflit dans l’Est du pays.
Dans une lettre adressée à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ainsi qu’aux principaux responsables de l’UE, les signataires affirment que depuis la signature de cet accord, le Rwanda a intensifié sa présence militaire en RDC, directement et par le biais de son soutien au M23. Ils soulignent notamment l’occupation partielle de la ville de Goma par le M23 en janvier 2025, une situation qui a exacerbé la crise humanitaire et sécuritaire dans la région.
Les organisations s’appuient sur un rapport du Groupe d’experts des Nations-Unies, qui révèle qu’au moins 150 tonnes de coltan sont exportées illégalement chaque mois du territoire congolais vers le Rwanda depuis la zone minière de Rubaya, contrôlée par le M23 depuis avril 2024. Selon ce même rapport, le groupe armé percevrait environ 800 000 dollars par mois en taxes illégales, faisant de cette exploitation minière une source de financement majeure pour les rebelles.
Les signataires de la lettre estiment que cette exploitation illégale compromet toute possibilité de garantir une chaîne d’approvisionnement durable en minerais provenant du Rwanda. Ils accusent également l’UE de « risquer de légitimer le pillage des ressources congolaises » en maintenant son partenariat avec Kigali, malgré les preuves de violations des droits humains et du droit international humanitaire.
Alors que le Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a récemment condamné la présence militaire du Rwanda en RDC et appelé à un cessez-le-feu immédiat, les ONG s’indignent que l’UE continue de collaborer avec Kigali sur des questions stratégiques, notamment à travers un partenariat entre la Banque européenne d’investissement (BEI) et le Rwanda pour des investissements dans les matières premières critiques. Cet accord, déjà controversé lors de sa signature, est aujourd’hui jugé « totalement inacceptable » au vu de l’intensification du conflit dans l’Est de la RDC.
Les organisations demandent à l’UE de prendre des mesures urgentes pour mettre fin à ce qu’elles considèrent comme une contradiction avec les valeurs européennes. Elles exigent l’annulation immédiate du protocole d’accord avec le Rwanda, estimant que maintenir ce partenariat revient à soutenir indirectement l’instabilité régionale et le financement d’un conflit armé. Elles réclament également la suspension de tous les projets stratégiques liés aux minerais impliquant Kigali, tant que le Rwanda ne cesse pas son occupation militaire en RDC et son implication dans l’exploitation illégale des ressources.
Au-delà de la question du partenariat avec le Rwanda, les organisations appellent l’UE à renforcer ses efforts pour lutter contre la corruption et le trafic de minerais en RDC, afin que les ressources du pays bénéficient à la population congolaise et non aux groupes armés. Elles insistent sur la nécessité d’une transparence accrue dans les chaînes d’approvisionnement en minerais, afin d’empêcher toute complicité avec des acteurs impliqués dans des violations des droits humains. « Les richesses naturelles de la RDC doivent être une source de développement et de stabilité, et non un moteur de guerre et d’exploitation », écrivent les signataires, exhortant l’UE à « agir immédiatement pour mettre fin à ce partenariat qui alimente l’instabilité dans la région ».
À ce jour, Bruxelles n’a pas officiellement réagi à cette demande, mais des discussions seraient en cours au sein des instances européennes sur l’avenir de l’accord avec Kigali. La pression des organisations de la société civile pourrait influencer les décisions à venir, alors que la situation humanitaire et sécuritaire en RDC continue de se détériorer.
La rédaction de b-onetv.cd