La question de la désignation d’un juge à la Cour constitutionnelle par le Parlement continue à diviser. Les présidents de deux chambres de cette institution rentrent dans une guerre fratricide qui se matérialise par les transmissions des correspondances interposées, l’un comme l’autre cherchant à imposer son choix pour ce poste vacant à la Haute Cour réservé au pouvoir législatif.
Christophe Mboso en premier, a appelé son collègue Modeste Bahati, dans une correspondance du 23 mai, à favoriser la tenue du Congrès afin que ce dernier puisse se prononcer sur la question du choix du juge constitutionnel qui doit être pourvu par le parlement, en remplacement du juge Mongulu décédé. Cependant, dans une correspondance du 20 mai, le président du Sénat avait signifié au président de la chambre basse de la résolution de la chambre Haute qui a jeté son dévolu sur Louis Mbonga Magalu.
Christophe Mboso a indiqué dans sa correspondance que cette résolution prise par le Sénat désignant le sénateur Louis Mbonga comme candidat au poste de juge constitutionnel viole les dispositions de l’article 158, alinéa 1er de la Constitution et l’article 42 du règlement intérieur du congrès. « seule instance parlementaire appelée à trancher sur cette question. »
Au président du Sénat Bahati Lukwebo de rétorquer, toujours dans une correspondance ce 24 mai, que la Constitution et la loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle parlent du quota des juges réservés au Parlement, (c’est-à-dire l’Assemblée Nationale et le Sénat). «Pourquoi vouloir réduire ce quota à la seule chambre que vous présidez? Parlera-t-on des juges désignés par le Parlement ou bien par l’Assemblée Nationale seulement ?», s’est-il interrogé dans sa correspondance. Selon lui, les articles évoqués par Cristophe Mboso notamment 158 de la Constitution et 42 du Règlement du Congrès n’ont rien à voir avec ce dossier et leur interprétation est tout à fait approximative et partisane. « Ce qui est inadmissible. » lâche-t-il.
L’une des raisons du choix de la démarche du Sénat, rapporte son président, c’est que dès lors que «l’Assemblée Nationale dispose déjà de deux juges sur trois à la Cour Constitutionnelle, il va de soi que l’unique poste restant soit proposé par le Sénat au Congrès. C’est ce qui justifie la résolution du Sénat qui présente un candidat au Congrès.» Bahati Lukwebo a aussi rappelé que le juge qui doit être remplacé était l’émanation du Sénat.
Un enjeu voilé ?
A la base de ce qui apparaît comme tiraillements entre les présidents de deux chambres du parlement, à lire les faits, il y a la volonté d’avoir la main mise par chacun dans la representivité de l’actuelle composition de la Cour Constitutionnelle. Surtout quand on sait que c’est cette composition qui va statuer sur la confirmation ou non des résultats des élections présidentielle et législative de 2023.
Si trois juges de la Haute Cour sont du parlement, il faut dire aussi qu’aucun d’entre eux n’a émané du pouvoir législatif aujourd’hui dirigé par Christophe Mboso et Bahati Lukwebo. Si Bahati prévaut son avantage que le juge à remplacer était du Sénat et qu’il estime être de droit la chambre qui va présenter un candidat pour son remplacement, Christophe Mboso tire les choses dans un terrain numérique. Parce que le choix viendrait du congrès selon la loi, fort de ses 500 membres contre les 109 du Sénat, le président de l’Assemblée nationale mise sur cette donne pour obtenir ce qu’il veut, en claire, obtenir que le juge qui sera à la Cour Constitutionnelle pour le compte du parlement vienne d’une assemblée nationale qu’il dirige.
Cette situation fait dire à plusieurs observateurs qu’il serait aussi une question d’intérêts matériels et politiques. C’est la suite qui donnera raison à qui elle voudra, car visiblement, au delà des discussions qui sont suggérées par plus d’un, chacune de ces deux personnalités campe encore à sa position.
Émille Kayomba