Ellle ronge les os, assèche le sang, arrache des vies dès le berceau. Et pourtant, elle ne fait pas de bruit. La drépanocytose, maladie génétique longtemps oubliée des radars politiques, continue de frapper durement la population congolaise. Dans un pays aux urgences multiples, conflits armés, pauvreté chronique, infrastructures défaillantes, cette pathologie héréditaire passe souvent sous les radars, malgré son fardeau dramatique.
La République Démocratique du Congo fait partie des pays les plus affectés par la drépanocytose. Environ 20 à 25 % de la population est porteuse du gène défectueux. Chaque année, près de 40 000 enfants naissent avec la forme sévère de la maladie. Un sur deux n’atteindra pas son cinquième anniversaire.
Ces statistiques, issues de l’OMS et de programmes nationaux, sont autant de cris d’alarme. Pourtant, peu relayés, peu entendus. Le silence autour de cette hémopathie contraste violemment avec son impact réel sur les familles, les hôpitaux, et le système de santé dans son ensemble.
À Kinshasa ou à Lubumbashi, quelques structures spécialisées comme le Centre Mabanga ou les Cliniques universitaires tentent de contenir l’hémorragie. Mais elles sont rares, souvent saturées. Ailleurs, dans les provinces, la réalité est tout autre : absence de dépistage néonatal, rupture de médicaments essentiels, manque de personnel formé.
Le Programme National de Lutte contre la Drépanocytose (PNLD) existe, mais souffre d’un manque de moyens, de coordination et d’alignement avec les politiques de santé publique. Plusieurs défis freinent la réponse à cette pathologie : l’Absence de dépistage généralisé à la naissance : un défaut majeur dans une maladie où chaque jour compte. Le coût des traitements : dans un pays où l’accès aux soins est souvent privatisé, la drépanocytose reste une maladie de pauvres sans espoir de guérison.
Dans certaines communautés, les enfants malades sont perçus comme « maudits ». La méconnaissance du personnel de santé : dans bien des cas, les crises sont mal interprétées, mal traitées, voire ignorées.
La RDC peut inverser cette tendance. Mais il faut pour cela un changement de paradigme : intégrer la drépanocytose aux politiques de santé prioritaires, former massivement le personnel médical, subventionner les médicaments essentiels, et instaurer un dépistage obligatoire à la naissance.
Plus qu’une maladie, la drépanocytose est un révélateur : celui de l’état réel d’un système de santé encore trop inégalitaire et réactif. La RDC, par son poids démographique et son potentiel humain, ne peut plus se permettre d’ignorer cette saignée silencieuse. Les enfants drépanocytaires n’ont pas besoin de promesses, mais d’actions. Et vite.
Junior Kulele


