L’Union africaine vient de franchir une étape importante dans la quête d’une solution africaine au conflit qui oppose la République démocratique du Congo au Rwanda. Ce samedi 5 avril, le Bureau de l’Assemblée de l’UA a soutenu la proposition du président angolais João Lourenço de confier la médiation à son homologue togolais, Faure Essozimna Gnassingbé. Une nomination encore soumise à l’approbation formelle par la procédure de « silence« , mais qui soulève déjà plusieurs interrogations.
Pourquoi Faure Gnassingbé ?
Le choix du président togolais surprend plus d’un observateur. Faure Gnassingbé n’est pas traditionnellement associé aux grandes médiations africaines, et son pays, le Togo, reste en retrait des dynamiques sécuritaires de la région des Grands Lacs. Son expérience dans la diplomatie régionale suffit-elle à lui confier un dossier aussi complexe, où s’entremêlent enjeux militaires, humanitaires, économiques et géopolitiques ?
Une nomination aux allures stratégiques ?
Certains y voient une tentative d’Addis-Abeba de relancer la médiation africaine là où les initiatives précédentes ont peiné à produire des résultats tangibles. João Lourenço, président en exercice de l’UA et artisan du processus de Luanda, semble miser sur une nouvelle approche, incarnée par un acteur moins impliqué directement dans le conflit. Faure Gnassingbé, réputé discret mais actif sur la scène diplomatique ouest-africaine, pourrait-il être ce « tiers neutre » tant recherché ?
Une légitimité en question ?
La RDC a-t-elle été pleinement consultée dans ce processus ? Et qu’en est-il du Rwanda ? L’adhésion des deux parties à la médiation est essentielle pour garantir l’efficacité du rôle du facilitateur. Or, ni Kinshasa ni Kigali n’ont pour l’instant officiellement réagi à cette nomination. Le contexte tendu entre les deux pays exige un médiateur non seulement impartial, mais aussi respecté par les deux camps. Faure Gnassingbé pourra-t-il remplir ce rôle sans susciter de méfiance ?
Quel impact sur le terrain ?
Le président Lourenço a rappelé la gravité de la situation humanitaire dans l’Est de la RDC et la nécessité d’une approche coordonnée. Mais dans quelle mesure une médiation portée par un président ouest-africain pourra-t-elle impacter les dynamiques militaires à Rutshuru, Masisi ou Bunagana ? La médiation diplomatique ne peut-elle réellement agir que si elle est accompagnée de pressions politiques et économiques fortes sur les acteurs du conflit ?
Une volonté de cohérence africaine
En revanche, il faut reconnaître une tentative claire de l’Union africaine de reprendre la main sur un dossier longtemps influencé par des acteurs extérieurs. En harmonisant les processus de Nairobi et Luanda, et en désignant un médiateur africain, l’UA veut parler d’une seule voix. Reste à voir si cette voix sera écoutée sur le terrain.
Une chose est certaine : la nomination de Faure Gnassingbé comme médiateur est un tournant dans l’approche africaine du conflit RDC–Rwanda. Mais cette nouvelle dynamique portera-t-elle ses fruits ? Faudra-t-il une nouvelle génération de médiateurs africains pour résoudre les conflits endémiques du continent ? La réponse viendra, peut-être, non pas des réunions virtuelles, mais du terrain. Là où les vies se perdent, et où la paix tarde à s’imposer.
Junior Kulele