Vingt et un coups de canon tirés à l’honneur du Président Félix Tshisekedi à Pékin, en Chine. Le Chef de l’État de la République démocratique du Congo était en visite d’Etat dans l’empire du milieu. Le Président chinois Xi-Jiping a organisé une cérémonie grandiose de bienvenue en l’honneur du Président congolais. Une multitude de drapeaux nationaux de la Chine flottaient au vent sur l’esplanade du Palais du peuple à Beijing. Le tapis rouge de cent mètres de long était encadré par les gardes d’honneur solennels et dignes. Les deux Chefs d’État sont montés sur une tribune ornée de décorations traditionnelles chinoises. Une fanfare accompagnait la cérémonie en signe de bienvenue. Des jeunes locaux en habits traditionnels de fête, chantaient et dansaient sur le rythme le plus enthousiaste pour saluer l’invité le plus honorable.

Une visite à la fois symbolique et intéressée. Cette visite est considérée comme un assaut politique pour le Congo démocratique. Mais elle est aussi motivée par des intérêts économiques. Le voyage du Président de la République Démocratique du Congo à Beijing est le deuxième du genre pour un Chef d’Etat congolais, après Mobutu en 1974. C’est une visite d’État, qui a conduit Félix Tshisikedi et une importante délégation en Chine, dans le cadre d’une bilateralité devenue stratégique. Comme toutes les autres puissances mondiales, l’intérêt que le pays de Mao Zedong ( Mao Tsé-Toung ) accorde à la RDC est principalement fondé sur ses potentiels économiques. Étant la réserve de tous les minerais essentiels à la nouvelle technologie et à la transition écologique, le pays de Lumumba est au cœur des convoitises extérieures et des rivalités des industriels de tous bords, essentiellement occidentaux et chinois.

Mais le premier regard direct d’un congolais averti sur le phénomène de la Sinafrique dont l’Afrique et les congolais eux- mêmes semblent avoir été abusés. Si en 1885, à Berlin, plusieurs puissances coloniales s’étaient partagé l’Afrique, c’est la première fois de l’Histoire qu’une seule puissance est tentée de s’emparer de l’ensemble du continent et d’en accaparer des matières premières et des valeurs ajoutées en échange de biens et de services. La tentation coloniale chinoise se pare d’amitié agressive. La parade africaine est dans les rapports de force, comme le démontre la rencontre entre Kinshasa et Pékin, entre le géant d’Afrique et le géant d’Asie. Leur histoire commune, de 1893 à 2023, a les saveurs d’un roman. Les épopées du rail engendrent au Congo un des pères de l’indépendance que Mao Zedong ( MaoTsé-Toung ) enflamme aussitôt en armant des rebelles, jusqu’à ce qu’il leur préfère Mobutu. La première construction chinoise est fragile. Le premier contrat chinois gagnant-gagnant dégénère. Le pillage des ressources naturelles est introduit ainsi que la ruse permanente. Lorsqu’éclate la première guerre mondiale africaine, Pékin inflige à Kinshasa un boycott humanitaire. Et lorsque la Chine rejoint la mission de paix de l’ONU, des bérets bleus chinois se livrent à de l’espionnage, en vue du premier hold-up planétaire.
Quelle est l’histoire des relations entre la République Démocratique du Congo et la République populaire de Chine? Quels sont les précédents fâcheux, les acquis et les intérêts de ce nouveau rapprochement dans une géopolitique mondiale dynamique où l’empire du milieu s’impose ou presque, comme la super puissance économique ? Quels sont les nouveaux intérêts mutuels chinois et surtout congolais?

La coopération entre la RDC et la République populaire de Chine, est devenue depuis novembre 2022 une histoire cinquantenaire. Les relations diplomatiques établies par les deux gouvernements ont été normalisées après la rencontre historique entre le Président Mobutu et l’empereur Mao Zedong ( MaoTsé-Toung ), le 24 septembre 1974. Au terme de ce rapprochement, d’importants projets à l’actif de cette coopération, ont fait bénéficier au pays du Maréchal Roi du Zaïre, des infrastructures de base devenues des symboles de la vie publique, telles que le stade des Martyrs, le Palais du peuple et autres.
Mais depuis, la Chine est restée partenaire de la RDC, dans le domaine particulier des échanges commerciaux et l’exportation des minerais bruts, jusqu’à la signature du très controversé contrat sino-congolais en 2008, entre l’État congolais et un groupement des entreprises chinoises. La convention sino-congolaise qui a abouti à la création de la sicomines a octroyé aux associés chinois plus de 70% de gisements des mines du cuivre et du cobalt dans le Katanga, contre un gain qualifié de dérisoire pour la partie congolaise. Selon les conclusions de l’enquête publiée en février 2023 par l’Igf – Inspection Générale des Finances, la partie chinoise n’a honoré ses engagements qu’à hauteur de 3 milliards de dollars dans près de 15 ans dont 800 millions dans les infrastructures, contre des bénéfices de plus de 76 milliards pour la partie chinoise. Le gouvernement congolais et l’ensemble des observateurs intéressés aux questions de la République Démocratique du Congo ont crié au scandale, appelant à la révision de ce contrat.

Comment réussir à faire plier les entreprises chinoises à restituer le manque à gagner de plus d’une décennie et rééquilibrer le partage des gains de l’exploitation des mines tenues par leur consortium ? Cette épineuse question a constitué par ailleurs l’autre enjeu de ce déplacement de Félix Tshisikedi à Beijing, pour réévaluer une coopération souhaitée gagnant-gagnant. Mais avec la Chine d’aujourd’hui, la RDC veut gagner au-delà de la simple exportation des matières premières, même si c’est ce qui intéresse les industriels asiatiques. La République Démocratique du Congo dans sa condition actuelle a besoin également des vrais alliés et partenaires, outre l’occident, qui pourraient porter sa cause dans plusieurs domaines. Les infrastructures, la technologie, l’agriculture, la santé et même l’écologie, représentent des secteurs pour lesquels la RDC est, à la fois un chantier et un marché ouvert aux investissements gagnants-gagnants.
Le problème prioritaire du moment est notamment l’agression rwandaise à travers le M23, dont l’Est du pays est victime, – un conflit armé qui a fait des millions des morts depuis près de 3 décennies, dans un silence complice de la communauté internationale. Maintenant que le Congo Kinshasa gagne en terme de reconnaissance de la responsabilité de son voisin le Rwanda, Félix Tshisikedi veut capitaliser les condamnations et des soutiens pour contraindre l’agresseur à se retirer sur son sol. Sur ce champ justement, la RDC voudrait compter sur la solidarité de la Chine, l’autre puissance majeure planétaire dans l’armement dissuasif et défensif. Au lendemain de cette visite, les deux parties vont multiplier des rencontres de travail, afin de ficeler un programme de coopération multilatérale, qui pourrait contribuer au plan de développement économique et social de la RDC, et probablement en échange des matières premières du sol et sous-sol congolais.
La rédaction de b-ontv.cd