Ce samedi, le silence a pesé lourd sur le Congo. François est parti. Celui que tant appelaient papa, ami, frère. Le pape François repose désormais sous la sobre pierre de Sainte-Marie-Majeure, à Rome. Un simple nom gravé : Franciscus. Mais pour les Congolais, il vit autrement : gravé dans leurs cœurs, dans leur histoire, dans leurs larmes.
François n’était pas seulement un chef d’Église. Il était le souffle des sans-voix. Le bâton du pèlerin blessé. Le regard tendre posé sur les cicatrices d’une nation meurtrie. À 88 ans, le premier pape venu des périphéries du monde a rejoint l’éternité. Et la République démocratique du Congo, ne perd pas seulement un guide spirituel. Elle perd un frère. Un compagnon de lutte. Un témoin de ses douleurs.
Comment oublier ? Comment oublier février 2023, quand ses pas ont foulé la terre congolaise meurtrie ? Quand ses yeux se sont embués aux récits des massacres oubliés ?
Quand sa voix, fragile mais ferme, a lancé ce cri devenu éternel : « Retirez vos mains de l’Afrique. Retirez vos mains de la RDC. »
Ce n’était pas une simple dénonciation.
C’était une prière. Une supplique. Une prophétie pour un peuple que l’on dépouille, que l’on saigne dans l’indifférence du monde. François avait vu les plaies des Congolais. Il n’avait pas détourné les yeux. Il avait pleuré avec les Congolais. Il avait prié pour eux.
Il avait redonné une dignité à ces anonymes ensevelis sans justice.
Et jusqu’à son dernier souffle, il a porté l’Afrique dans son cœur. Lors de sa dernière homélie pascale, le 20 avril, il a murmuré encore un vœu pour la région des Grands Lacs. Comme une ultime offrande. Comme un testament.
À l’annonce de sa mort, c’est tout un peuple qui s’est figé. À Kinshasa, le président Félix Tshisekedi a laissé ses larmes couler à la Nonciature apostolique. Mais au-delà des ors du pouvoir, c’est dans les villages reculés, dans les quartiers oubliés, dans les chapelles en terre battue, que la douleur a été la plus vive.
Vendredi 25 avril, dans une nuit lourde d’émotions, le couple présidentiel est arrivé à Rome. Accueillis par la Curie romaine et le Cardinal Fridolin Ambongo, ils se sont inclinés devant la dépouille silencieuse du Saint-Père, sous les voûtes froides de la basilique Saint-Pierre. Plus tard, à la Place Saint-Pierre, parmi une cinquantaine de chefs d’État et de têtes couronnées, ils ont prié, tandis que les cloches martelaient l’air d’une mélodie funèbre.
À Kinshasa, pendant ce temps, la cathédrale Notre-Dame du Congo résonnait des chants funèbres. Dans une atmosphère de recueillement sobre, la Première ministre Judith Suminwa, fervente catholique, a assisté à la messe d’action de grâce présidée par le Nonce apostolique Mgr Mitja Leskovar. Là, sous les voûtes noircies de la douleur, la foule s’est serrée : autorités religieuses, politiques, diplomatiques et simples anonymes, tous unis dans le même chagrin.
Dans son hommage bouleversant, Judith Suminwa a salué en François « un bâtisseur de paix », rappelant son combat contre l’exploitation illicite des ressources congolaises, son cri contre l’enrôlement des enfants-soldats, son appel incessant à la justice.
Pour la RDC, la perte est abyssale.
François n’était pas seulement un guide spirituel : il était une voix pour ceux qui n’en avaient pas. Un bouclier pour les plus faibles. Un miroir où leur dignité bafouée trouvait enfin un reflet. Sa visite de 2023 reste gravée comme une bénédiction indélébile. Un baume sur une terre martyrisée.
Ce samedi, les cloches de Rome et de Kinshasa ont sonné à l’unisson, dans un même soupir de douleur. Le Congo a perdu un ami. Un frère. Un prophète. Le deuil sera long, inconsolable. Mais dans la nuit de notre peine, une certitude demeure : Tant que le peuple congolais luttera pour la justice, tant que ses enfants rêveront de paix, François marchera encore à leur côtés.
Junior Kulele