Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo, fait face à une vague inquiétante de braquages à main armée et d’agressions violentes en plein jour. Le phénomène, désormais devenu presque banal dans les récits quotidiens des Kinois, a suscité une réaction ferme du Chef de l’État Félix-Antoine Tshisekedi lors de la 46ᵉ réunion du Conseil des ministres.
Face à cette situation qu’il a qualifiée d’« intolérable », le Président a appelé à une riposte vigoureuse, coordonnée et durable pour restaurer l’ordre, la sécurité et la confiance au sein de la population. Au cœur de son discours : une série de mesures répressives musclées et un appel à la responsabilité gouvernementale.
Le Président Tshisekedi ne cache plus son exaspération face à la montée de la criminalité à Kinshasa, marquée par des attaques armées dans les zones résidentielles, les marchés, les artères principales et même à proximité des établissements publics. Il a évoqué, avec gravité, l’attaque du 30 mai 2025 contre des cambistes sur le site de l’Université de Kinshasa, illustrant l’audace croissante des criminels.
« Ce phénomène sème l’insécurité, alimente la peur au sein de la population et porte gravement atteinte à la quiétude des habitants ainsi qu’à la stabilité économique et sociale de la ville », a martelé Tshisekedi, en s’adressant à ses ministres.
Parmi les mesures fortes décidées figurent : Le renforcement massif des patrouilles et de la présence policière dans les zones dites à risque ; Le durcissement des poursuites judiciaires et l’organisation de procès publics pour créer un effet dissuasif ; Le transfert des condamnés loin de leur milieu d’origine pour briser les réseaux criminels ; La poursuite et l’intensification de l’opération “Ndobo”, une campagne sécuritaire ciblant les bandes de jeunes violents appelés communément Kuluna ; Le retrait des policiers affectés à des services privés afin de renforcer la capacité publique.
Le Président instruit ainsi une coordination rapide entre les ministères de l’Intérieur, de la Défense et de la Justice pour mettre fin à ce climat d’impunité. Si cette série de mesures peut être perçue comme un signal fort d’un État qui refuse de capituler face à la criminalité, plusieurs interrogations fondamentales demeurent.
Efficacité limitée des stratégies répressives
L’histoire récente de la RDC montre que l’approche sécuritaire seule ne suffit pas. Malgré plusieurs vagues d’opérations anti-Kuluna depuis plus d’une décennie, les résultats restent mitigés. Les bandits, souvent jeunes, armés et désœuvrés, réapparaissent ailleurs, parfois plus violents encore. Les critiques soulignent que l’absence d’un accompagnement social, éducatif et économique affaiblit l’impact des opérations policières.
Un malaise social profond
La criminalité urbaine à Kinshasa est le reflet d’un désespoir social croissant. Avec plus de 70 % des jeunes sans emploi stable, les gangs offrent parfois une forme de “réseau” alternatif, voire une identité, dans des quartiers abandonnés par l’État. Certains experts estiment que la stratégie sécuritaire actuelle est un traitement des symptômes, et non des causes.
Confiance érodée envers les forces de l’ordre
Autre paradoxe : les policiers eux-mêmes sont souvent perçus comme partie du problème. Accusations de collusion, corruption, extorsion… la méfiance est réelle. Réformer en profondeur l’appareil sécuritaire, professionnaliser et humaniser les services de sécurité est donc essentiel pour que les mesures prises soient crédibles aux yeux des citoyens.
La réaction musclée du Président Tshisekedi témoigne d’une prise de conscience politique réelle. Mais elle ouvre aussi la voie à une réflexion plus large sur les priorités de gouvernance urbaine.
Pour vaincre durablement l’insécurité : Il faut coupler la répression à une politique sociale inclusive, ciblant les jeunes à risque ; Déployer des projets d’insertion, de formation et d’emploi dans les quartiers populaires ; Renforcer l’éducation civique et la prévention ; Et surtout, restaurer la légitimité des institutions locales de justice et de sécurité.
Tshisekedi a haussé le ton. Il reste à prouver que la réponse sera durable. Kinshasa ne peut plus être une ville où l’on vit dans la peur. Mais le retour à la sécurité ne passera pas seulement par des militaires dans les rues, il dépendra aussi de la capacité du gouvernement à reconstruire le contrat social avec ses citoyens.
Junior Kulele