La République démocratique du Congo a commémoré, ce lundi 5 mai 2025, la Journée mondiale de la liberté de la presse. La cérémonie officielle, organisée au Fleuve Congo Hôtel à Kinshasa, s’est tenue en présence du président Félix Tshisekedi, de plusieurs membres du gouvernement, des professionnels des médias ainsi que des représentants de la société civile.
Placée sous le thème : « Le journaliste congolais face au défi de l’intelligence artificielle : information et désinformation en temps de guerre », cette journée a été marquée par une série d’interventions, dont celle très remarquée — et controversée — du président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC), Christian Bosembe.
S’adressant au chef de l’État, ce dernier a affirmé : « Vous avez beaucoup fait pour la liberté de la presse au Congo. Sous votre mandat, aucun journaliste n’a été tué, ni arrêté pour ses opinions… » Des propos qui ont aussitôt suscité une vive polémique, notamment sur les réseaux sociaux, où de nombreux journalistes et défenseurs de la liberté d’expression ont exprimé leur indignation.
Plusieurs acteurs des médias ont rappelé des cas emblématiques qui contredisent les déclarations du président du CSAC. Parmi eux, celui de Patient Ligodi (RFI et actualite.cd), violemment interpellé lors d’une manifestation ; de Stanis Bujakera (Jeune Afrique), détenu plusieurs mois à la prison de Makala ; ou encore l’arrestation récente du journaliste Patrick Lokala. Pour de nombreux observateurs, ces faits traduisent une réalité bien plus contrastée que celle peinte lors de la cérémonie. Certains n’ont pas hésité à qualifier les propos de Bosembe de « flatterie déplacée ».
Malgré cette controverse, les autorités ont mis en avant plusieurs réformes en faveur de la liberté de la presse. Le ministre de la Communication et des Médias, Patrick Muyaya, a évoqué une série de mesures récentes, notamment : La révision de la loi sur la liberté de la presse, redéfinissant le statut du journaliste et les conditions d’exercice de la profession ; L’intégration économique des entreprises de presse dans le tissu productif national, avec un accent sur leur viabilité et indépendance ; L’allègement des charges fiscales pour les médias de proximité, associatifs, communautaires et confessionnels.
À cela s’ajoutent plusieurs textes réglementaires en cours d’élaboration, notamment des arrêtés sur les exonérations douanières, les conditions d’accréditation des journalistes étrangers, ainsi que les modalités de délivrance de récépissés et de licences pour les médias.
Cependant, cette journée n’a pas pu faire oublier les défis persistants. Dans son rapport 2025, Reporters sans frontières a classé la RDC à la 133e place sur 180 pays, soit une chute de 10 rangs par rapport à l’année précédente. Cette dégradation s’explique notamment par la précarité des conditions de travail des journalistes et l’environnement sécuritaire délétère, en particulier dans l’Est du pays.
L’occupation temporaire de Goma et Bukavu par les rebelles du M23/AFC au début de l’année a accentué les risques : intimidations, enlèvements, fermetures forcées de médias, propagande armée et disparition de journalistes.
Dans son discours, le président Félix Tshisekedi a reconnu les défis actuels tout en appelant à un journalisme responsable, face aux menaces grandissantes de la désinformation et aux manipulations facilitées par l’intelligence artificielle.
La Journée mondiale de la liberté de la presse 2025 aura donc été marquée par un contraste saisissant entre les annonces officielles, les réalités du terrain et les attentes d’un secteur en quête de véritable indépendance.
Emille Kayomba