Kinshasa, mégapole tentaculaire et capitale de la République démocratique du Congo, est aujourd’hui confrontée à une véritable crise de mobilité. Chaque jour, c’est une marée ininterrompue de véhicules, motos et piétons qui se bousculent sur ses artères principales, au rythme effréné des heures de pointe du matin et de l’après-midi. Jadis vivables, les routes de la capitale sont désormais saturées, presque invivables. Embouteillages monstres, tronçons délabrés, services de régulation débordés, chauffeurs indisciplinés et piétons désemparés : le constat est alarmant.
Le matin à l’aube déjà, les Kinois envahissent les arrêts de bus, espérant trouver un moyen de transport pour se rendre à leurs occupations. Des points névralgiques comme Kingasani, Sainte Thérèse, Mbudi, Pompage, UPN ou encore Kintambo Magasin, Matete, Limete, Ngaba, Lemba, Selebao et Makala voient des foules s’agglutiner dans l’attente incertaine. Le soir, le même calvaire se répète, dans l’autre sens, avec des milliers de travailleurs qui tentent de regagner leurs quartiers, notamment par les avenues Poids Lourds, Kasaï, Commerce, 24 novembre, Monjiba, OUA, Route Matadi ou By-pass.
Les causes de ces bouchons à répétition sont multiples. Outre la vétusté et l’étroitesse des infrastructures routières, l’incivisme de nombreux conducteurs complique encore la situation. Le non-respect du code de la route, les stationnements anarchiques, l’absence de discipline, mais aussi l’inefficacité des services de régulation sont régulièrement pointés du doigt. Les agents commis à la circulation, souvent accusés de tracasseries ou de corruption, peinent à imposer l’ordre. À cela s’ajoute un phénomène devenu exaspérant : la multiplication des cortèges officiels, tous munis de gyrophare et de sirènes, qui perturbent davantage une circulation déjà chaotique.
Avec une population estimée à 15 millions d’habitants et plus d’un million de véhicules en circulation, Kinshasa est dépassée par son propre dynamisme. La ville s’étend, se densifie, mais sans plan de mobilité adapté. Les infrastructures actuelles, conçues pour une ville bien moins peuplée, ne suffisent plus. Pourtant, plusieurs projets ont été initiés pour désengorger la capitale : les échangeurs dits « sauts-de-mouton », le programme « Tshilejelu » ou encore « Kinshasa zéro trou ». Mais sur le terrain, les résultats se font attendre, et les bouchons demeurent.
Des solutions existent pourtant. L’élargissement des voies, la construction de nouvelles routes dans les périphéries, le développement de moyens de transport en commun modernes (train urbain, tramway, bus à haut niveau de service), ainsi qu’une urbanisation planifiée, sont autant de pistes qui pourraient changer le visage de la capitale. Cela implique aussi des choix politiques courageux, notamment l’expropriation de certaines zones densément construites pour y tracer de nouvelles voies.
Kinshasa ne pourra prétendre à un développement durable tant que le problème de mobilité ne sera pas résolu. Il en va de la qualité de vie de ses habitants, mais aussi de la compétitivité économique de toute la ville. L’avenir de la capitale congolaise dépend donc de la capacité de ses autorités à transformer en profondeur la gestion urbaine et à concevoir une vision ambitieuse, moderne et inclusive pour ses transports.
Constatin Ntambwe