Alors que la saison sèche bat son plein, la capitale congolaise a été réveillée par une pluie torrentielle inattendue, qui a transformé de nombreux quartiers en zones sinistrées. Routes impraticables, inondations majeures, infrastructures dévastées : les eaux ont pris le contrôle de Kinshasa, dans un épisode météorologique aussi surprenant qu’alarmant.
Ce matin, des images largement relayées sur les réseaux sociaux montrent une station TotalEnergies submergée par les eaux, scène à la fois ironique et symbolique dans une ville confrontée aux effets d’un dérèglement climatique aggravé par les énergies fossiles et l’urbanisation désordonnée.
Le mois de juin, historiquement sec à Kinshasa, devient désormais le théâtre de pluies violentes. Selon l’Agence nationale de météorologie et de télédétection par satellite (METELSAT), l’origine de ce phénomène est un flux de masses d’air humides venu du golfe de Guinée, chargé de nuages cumuliformes propices aux orages. Ce vent du nord-ouest, anormalement puissant, a contribué à la formation d’un système orageux qui a frappé la capitale de plein fouet.
Ces précipitations hors saison sont les marqueurs visibles d’un changement climatique global, dont les conséquences directes se mesurent en pertes économiques, humaines et sociales, dans une ville dont les infrastructures n’ont pas été pensées pour affronter ce type de dérèglement.
Dans plusieurs communes — Kalamu, Limete, Ngaba, Ngaliema, Selembao, et même Gombe — les eaux ont tout emporté sur leur passage. Les routes bitumées ont cédé, les caniveaux bouchés ont débordé, et des familles entières ont vu leurs maisons inondées. À Kalamu, la rivière éponyme est sortie de son lit, charriant avec elle boue, ordures et ruines.
À Matete et Lemba, les avenues principales se sont transformées en rivières, paralysant la circulation. L’avenue Okito à Binza Pigeon, déjà en mauvais état, est devenue totalement impraticable, isolant le quartier du reste de la commune de Ngaliema.
Ce drame urbain met à nu la fragilité structurelle d’une ville de plus de 15 millions d’habitants, dont le système de drainage est obsolète, voire inexistant dans certains secteurs. Il interroge aussi sur l’efficacité des politiques publiques en matière d’urbanisation, de gestion des déchets, d’aménagement du territoire et d’anticipation climatique.
Ce qui s’est produit ce 14 juin n’est pas une simple anomalie météorologique, mais un signal d’alerte fort. La répétition des inondations à Kinshasa, en pleine saison sèche ou en saison des pluies, confirme que le climat change plus vite que notre capacité à nous adapter. Les conséquences pourraient être encore plus dramatiques si rien n’est fait pour améliorer les infrastructures hydrauliques, renforcer les capacités de prévision météorologique, et changer fondamentalement la manière dont Kinshasa se développe.
Ce matin, la pluie a effacé les frontières entre quartiers huppés et zones périphériques. Elle a rappelé que, face au climat, l’inégalité devient universelle lorsque les politiques de résilience urbaine sont absentes.
Le gouvernement provincial et national doit tirer les leçons de cet épisode. Il faut un plan d’urgence d’adaptation urbaine, incluant : Le renforcement des capacités de drainage et de collecte des eaux pluviales ; La restructuration des quartiers construits en zones inondables ; La gestion durable des déchets solides, qui bouchent les caniveaux ; L’intégration du changement climatique dans toutes les politiques d’aménagement urbain.
Kinshasa ne peut plus se permettre de subir. Elle doit anticiper. Car si la pluie de ce 14 juin est un avertissement, le prochain épisode pourrait bien être une catastrophe.
Junior Kulele
