Kinshasa, 18e Rue, Limete. Une atmosphère électrique plane depuis quatre jours sur cette artère paisible de la capitale congolaise. Ce vendredi, l’auditorat militaire de la garnison de Matete a officiellement dressé un procès-verbal détaillant la saisie d’une importante quantité de biens dans une propriété appartenant à l’ex-président de la République, Joseph Kabila Kabange. Une opération qui fait grand bruit, à la croisée du droit, de la politique et de la mémoire encore vive d’un pouvoir passé.
Selon les autorités militaires, cette opération s’inscrit dans le cadre d’une mission conjointe entre les services de l’ex-DEMIAP (Détection militaire des activités anti-patrie) et l’Agence nationale de renseignements (ANR), avec pour objectif la recherche de matériel militaire dissimulé. Le procès-verbal énumère des saisies pour le moins inhabituelles : 19 véhicules civils de diverses marques, plus de 200 groupes électrogènes, un lot considérable de batteries, des convertisseurs et des panneaux solaires.
Tous ces biens sont consignés sur place, sous la surveillance du gérant et du gardien de la concession, respectivement Tshamala Kamoni Gustave et Lembe Damas Lembe. Mais là où les autorités parlent de légalité et de mission de sécurité, la famille Kabila crie au scandale.
Face à la montée de tension, la réaction de Marie Olive Lembe, épouse de l’ancien chef de l’État, ne s’est pas fait attendre. Par la voix de son conseiller en communication, Adam Shemisi, elle dénonce un acte qu’elle qualifie de « vol » pur et simple. « Sur base de quoi ils saisissent nos biens ? C’est du pillage. Où est la décision de justice ? Qui a porté plainte ? Ils cherchaient des armes, qu’on nous montre où elles sont ! », s’insurge-t-elle.
Mme Lembe, elle-même, a publié un message enflammé via les médias, condamnant un « acharnement sans précédent » : « Ils ont volé groupes électrogènes, batteries, panneaux solaires, véhicules… Ce qu’ils sont venus faire, c’est nous piller, ni plus ni moins. »
Ce n’est pas la première perquisition dans une propriété liée à la famille Kabila cette semaine. Entre le Parc de la Vallée de la Nsele (Kingakati) et d’autres résidences privées, les fouilles se multiplient, dans ce que l’entourage de l’ancien président dénonce comme une campagne d’intimidation. Dans un climat politique où les relations entre Félix Tshisekedi et son prédécesseur sont loin d’être apaisées, ces actes prennent une tournure éminemment politique.
La famille Kabila, protégée par l’article qui confère à l’ancien président le statut de sénateur à vie, dénonce une « violation des droits » et un « abus de pouvoir » par les forces de sécurité, qui auraient opéré sans mandat clair ni décision judiciaire formelle.
L’affaire divise l’opinion. Pour certains, ces perquisitions traduisent une volonté de moraliser la vie publique, de vérifier ce qu’il advient du matériel d’État, dans un pays où le flou entoure souvent la gestion des biens publics. Pour d’autres, il s’agit d’un précédent dangereux, susceptible d’installer un climat de revanche politique et de fragiliser les institutions.
Dans tous les cas, cette affaire pose une question essentielle : où s’arrête la justice et où commence l’instrumentalisation ? La perquisition de la 18e Rue ne sera sans doute pas la dernière, mais elle symbolise déjà un tournant dans les rapports entre le passé et le présent politique congolais.
Alors que les Congolais espèrent paix, stabilité et développement, les tensions de palais continuent de faire vaciller les fondations de l’unité nationale. Kinshasa observe, inquiet, tandis que l’histoire, encore une fois, s’écrit dans la poussière des procédures et les murmures de la rue.
La rédaction de b-onetv.cd