Une « Congolisation » assumée du Game. « Le rap français a subi une congolisation parce qu’on a une langue qui sonne », déclarait Youssoupha chez Booska-P en septembre 2022. Cette phrase, à la fois audacieuse et lucide, résume un phénomène culturel profond : la prise de pouvoir des artistes congolais dans le Hip-hop francophone. Non seulement leur présence est massive, mais leur influence est aujourd’hui incontournable.

Une présence dominante et créative
Du haut des classements de ventes aux plus grandes scènes musicales, les Congolais mènent la danse. Gims, Ninho, Damso, Niska, Dadju, Tiakola, Franglish, Kalash Criminel, Shay, Naza, Gradur, Hiro, Keblack, ou encore Chily : la liste est longue et impressionnante. Chacun à sa manière a marqué l’histoire du rap ou de la pop urbaine, tout en portant, explicitement ou non, les couleurs de la RDC et de sa culture.
La langue, la vibe, l’attitude
Ce que beaucoup appellent aujourd’hui la « congolisation » du Hip-hop français ne se limite pas à une domination numérique. Il s’agit d’une imprégnation stylistique : des expressions en lingala ou en français cassé, des influences de la rumba, du ndombolo ou du coupé-décalé, une gestuelle bien particulière, et une auto-dérision assumée qui rend le style unique. Le tout porté par une langue musicale, rythmée, « qui sonne », comme le dit si bien Youssoupha.

Des Victoires… aux Flammes : les Congolais raflent tout
Dans les grandes cérémonies musicales françaises, les artistes congolais se distinguent aussi. Gims, Ninho et Tiakola figurent régulièrement parmi les artistes les plus nommés aux Victoires de la musique. Aux Flammes, cérémonie dédiée aux cultures urbaines, les Congolais sont les plus récompensés, soulignant à quel point leur empreinte est profonde. Shay, Damso et Ninho y ont été sacrés plusieurs fois. SDM, Kalash Criminel ou Naza y sont aussi régulièrement salués.
Une identité revendiquée, pas effacée
Là où beaucoup pourraient se fondre dans la norme française, les artistes d’origine congolaise font le choix de l’affirmation identitaire. Youssoupha revendique haut et fort ses racines kinoises. Damso, tout en cultivant le mystère, évoque souvent Kinshasa dans ses textes. Gims et Dadju intègrent régulièrement des paroles en lingala ou évoquent leur lien à la RDC dans leurs interviews.
La RDC, matrice culturelle du Hip-hop francophone ?
Il faut le dire sans détour : le Hip-hop français ne pèserait pas autant sans les Congolais. Quand on regarde les têtes d’affiche, près de 80 % sont issus de la diaspora congolaise, toutes générations confondues. Les plus gros vendeurs de disques, les plus gros streamers, ceux qui remplissent Bercy, ont très souvent un lien avec Kinshasa, Matete, Limete, Bandal ou encore Goma.

Une culture qui dépasse la musique
Enfin, la congolisation ne touche pas que le son : les codes vestimentaires, les danses, le langage, et même les tendances TikTok dans le Hip-hop français sont souvent impulsés par les artistes congolais. Le « flow congolais » est devenu une norme, une marque de fabrique qui attire, amuse et inspire.
La domination des Congolais dans le Hip-hop français n’est pas le fruit du hasard. Elle repose sur un mélange unique de créativité, d’identité forte et de maîtrise musicale. Comme le disait un jour un critique musical : « Le Hip-hop français est congolais dans le son, l’attitude, et le cœur. » Difficile de lui donner tort. Kinshasa n’est pas seulement la capitale de la RDC. Elle est aussi, aujourd’hui, l’un des centres nerveux du Hip-hop francophone mondial.
Junior Kulele