Le rendez-vous de Doha, annoncé comme une nouvelle tentative de sortie de crise pour l’Est de la République Démocratique du Congo, a une fois de plus été manqué. Prévue pour le 9 avril, la rencontre directe entre le gouvernement congolais et les rebelles de l’AFC-M23 a été reportée sine die. Ce report, officiellement justifié par des « raisons d’ordre organisationnel », masque en réalité des divergences profondes et persistantes entre les deux parties. En toile de fond, les préalables exigés de part et d’autre révèlent la complexité d’un dialogue attendu mais toujours incertain.
Conditions irréconciliables ?
Le gouvernement congolais pose comme condition préalable un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel, avec le retrait des troupes rebelles des villes stratégiques de Goma et Bukavu. De l’autre côté, le M23, sous la bannière de l’AFC, conditionne toute avancée à des « mesures de confiance », aux contours encore flous mais qui incluraient probablement des garanties de sécurité, une reconnaissance politique partielle, et la libération de certains prisonniers. Le fossé semble donc encore large, malgré la médiation discrète mais influente du Qatar.
Silence à Doha, consultations à Kinshasa
En attendant une reprise hypothétique des discussions, les projecteurs se tournent désormais vers Kinshasa, où Désiré Cashmir Eberande Kolongele, conseiller spécial du chef de l’État en matière de sécurité, vient de boucler une série de consultations politiques censées poser les bases d’une réponse nationale élargie face à la crise. Cette initiative marque une tentative de construire un front politique uni, au moment où l’État fait face à des défis existentiels à l’Est.
Les consultations ont révélé une consolidation de l’Union sacrée, la coalition au pouvoir autour du président Tshisekedi, dont tous les barons ont été reçus. Toutefois, l’absence de l’opposition radicale fragilise l’idée d’un consensus national. Ce futur gouvernement ne sera donc pas celui de la réconciliation totale, mais plutôt un élargissement de la majorité actuelle, intégrant possiblement certaines figures de la société civile.
Vers un nouveau gouvernement : les étapes clés
Cinq étapes majeures devraient précéder la formation du prochain gouvernement : Finalisation d’un rapport de synthèse des consultations ; Présentation du rapport au Chef de l’État ; Lancement de discussions sur l’équilibre régional et sectoriel ; Nomination ou confirmation du Premier ministre ; Formation de l’équipe gouvernementale.
Cette nouvelle gouvernance devra répondre à trois défis prioritaires : stopper l’avancée du M23 et restaurer la paix à l’Est, faire face à l’urgence sociale marquée par la flambée des prix, et restaurer la confiance dans les institutions grâce à un gouvernement plus représentatif et plus efficace.
Consensus limité, initiatives freinées
Dans ce contexte, l’initiative du tandem ECC-CENCO, qui visait un dialogue de plus large portée, semble peiner à se concrétiser. Le financement, partiellement attribué au Rwanda selon certaines sources, jette un voile de suspicion sur la crédibilité de ce processus. Kinshasa, prudent, semble réticent à accorder du poids à une initiative perçue comme extérieure à sa stratégie politique.
Le retour de Kabila : pacificateur ou calcul politique ?
La surprise est venue de l’ancien président Joseph Kabila, qui a annoncé son retour en RDC, précisément dans l’Est, en invoquant son désir de « contribuer à la paix« . Mais la symbolique de son retour par la région orientale, en pleine guerre, interroge. S’agit-il d’un positionnement stratégique pour redevenir un acteur politique incontournable, ou d’un réel engagement pour la paix ? Les avis sont partagés, et la méfiance du régime actuel est palpable.
Entre espoirs suspendus et réalités politiques
Le report des pourparlers de Doha illustre la fragilité du processus de paix, tributaire de calculs politiques et d’une profonde méfiance entre les acteurs. L’initiative des consultations internes constitue une réponse politique nécessaire, mais insuffisante sans un engagement sincère à inclure toutes les voix nationales. Le prochain gouvernement sera jugé sur sa capacité à produire des résultats concrets, dans un climat où le temps joue désormais contre la stabilité du pays. La paix reste possible, mais elle devra se construire sur des compromis courageux et des actes de confiance réciproques.
Junior Kulele