C’est un moment que les défenseurs des droits humains attendaient depuis plus de deux décennies. Le procès de l’ancien chef de guerre congolais Roger Lumbala s’ouvre le 12 novembre prochain à Paris. Poursuivi pour complicité de crimes contre l’humanité — incluant meurtres, tortures, viols et esclavage — il est accusé d’avoir joué un rôle clé dans les atrocités commises entre 1998 et 2003 dans les provinces congolaises de l’Ituri et du Nord-Kivu, particulièrement contre les communautés autochtones pygmées.
Ce procès, mené devant le tribunal judiciaire de Paris, constitue une première : c’est le premier dossier congolais jugé en vertu de la compétence universelle. Ce principe permet à un État de poursuivre les auteurs de crimes internationaux graves, même lorsque ceux-ci ont été commis à l’étranger. Lumbala, à la tête du Rassemblement congolais pour la démocratie nationale (RCD-N), est accusé d’avoir dirigé des opérations militaires d’une violence extrême, notamment la tristement célèbre campagne « Effacer le tableau », visant à exterminer des populations civiles.
Selon l’accusation, son groupe armé aurait spécifiquement ciblé les communautés Nande et Bambuti (Pygmées), en commettant des exactions systématiques : massacres, viols collectifs, esclavage sexuel et destruction de villages entiers.
Plusieurs organisations de défense des droits humains se sont constituées parties civiles dans ce procès : la Clooney Foundation for Justice (CFJ), TRIAL International, Minority Rights Group (MRG), Justice Plus et le Programme d’assistance aux pygmées (PAP-RDC). Pour elles, cette audience symbolise une avancée historique vers la justice pour les communautés oubliées.
« Ce procès est une étape essentielle vers l’obtention d’une justice attendue depuis longtemps pour les horreurs infligées à la communauté Bambuti », souligne Samuel Ade Ndasi, responsable du plaidoyer auprès de l’Union africaine au sein de MRG. « Tenir Lumbala responsable de ses actes envoie un signal fort : les auteurs d’abus, même des décennies plus tard, peuvent être jugés. »
Même son de cloche chez Daniele Perissi, de TRIAL International, pour qui ce procès marque « la fin d’un cycle d’impunité » : « Pendant trop longtemps, les auteurs de ces crimes ont échappé à la justice. Ce procès rappelle que la voix des survivants compte et que la responsabilité reste la base d’un avenir pacifique en RDC. » De son côté, Yasmine Chubin, directrice juridique à la Clooney Foundation for Justice, salue « le courage des survivants » : « Leur force inspire l’espoir à toutes les victimes d’atrocités de masse. Nous sommes fiers de les accompagner dans ce combat. »
Alors que le Nord et le Sud-Kivu sont de nouveau plongés dans une escalade de violence alimentée par des groupes armés soutenus par des puissances étrangères, ce procès prend une portée symbolique majeure. « Lutter contre l’impunité peut donner l’impression de nager à contre-courant », admet Xavier Macky, directeur national de Justice Plus. « Mais cette audience permettra enfin aux victimes d’être entendues et à la vérité de se frayer un chemin vers la reconnaissance. »
Vingt ans après les massacres, l’ouverture du procès Roger Lumbala à Paris incarne un tournant dans la lutte contre l’impunité des crimes commis en République démocratique du Congo. Pour les défenseurs des droits humains, il s’agit d’un message clair : aucune position politique, aucun refuge ne peut garantir l’oubli des crimes les plus graves. Ce procès, au-delà du cas Lumbala, réveille la mémoire des victimes et ravive l’espoir d’une justice universelle réellement appliquée.
La rédaction de b-onetv.cd


