La Haute Cour militaire a rendu mardi 30 septembre un verdict qui marque une rupture profonde dans l’histoire politique du pays : l’ancien président Joseph Kabila a été condamné à la peine capitale, reconnu coupable de trahison, de participation à un mouvement insurrectionnel et de crimes liés aux opérations de la coalition dite AFC/M23. La décision a été prononcée par contumace, l’accusé n’étant pas présent à l’audience.
La Cour a suivi les réquisitions du ministère public qui réclamaient la peine maximale. Outre la condamnation à mort, le tribunal a assorti le jugement d’une lourde amende civile : faisant état d’un montant global situé autour de 33–34 milliards de dollars de réparations à verser aux victimes et à l’État (dont près de 29 milliards pour la partie civile représentant l’État, et des milliards supplémentaires pour les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu). La Cour a en revanche rejeté la mise sous séquestre immédiate des biens de l’ancien chef de l’État.
Dans son arrêt, la Haute Cour militaire affirme que Kabila aurait tenu des « réunions d’état-major » à Goma et Bukavu, supervisé des centres d’instruction et exercé une autorité de facto sur la coalition rebelle AFC/M23, le qualifiant de « chef incontesté » des mouvements insurgés évoqués par l’accusation. Sur la question de la nationalité soulevée par certaines parties civiles, la Cour s’est déclarée incompétente, renvoyant ce point aux instances administratives ou gouvernementales compétentes.
Les réactions ont été immédiates et contrastées. Maître Richard Bondo, avocat et voix des victimes, s’est dit satisfait, estimant que « le droit a été dit » et que la décision apportera réparation au peuple congolais. Sa prise de position a été largement relayée par la presse locale. À l’opposé, Emmanuel Ramazani Shadary (secrétaire permanent du PPRD) a dénoncé un « procès inique », qualifiant le verdict de “vaste blague” et une manœuvre politique destinée, selon lui, à neutraliser un acteur majeur de la scène nationale. Shadary affirme qu’aucune preuve matérielle incontestable n’a été présentée et met en garde contre l’aggravation des tensions nationales.
Le Front Commun pour le Congo (FCC) et l’entourage de Kabila ont eux aussi rejeté la décision, dénonçant une « tragi-comédie » et une procédure « instrumentalisée » qui, selon eux, porte atteinte à l’État de droit et aux acquis démocratiques. Kikaya Bin Karubi, conseiller diplomatique de Kabila, a ironisé sur la nature des preuves présentées et rappelé que des négociations avec l’AFC/M23 se tiennent parallèlement sur la scène internationale, évoquant la contradiction entre répression judiciaire et diplomatie.
La condamnation d’un ancien chef de l’État soulève des questions lourdes : comment sera exécutée une sentence prononcée à l’étranger et rendue par une juridiction militaire ? Quel impact sur la fragile stabilité politique intérieure, notamment dans l’Est du pays ? Et comment réagiront les partenaires internationaux et les acteurs régionaux engagés dans des pourparlers de paix ? Les observateurs anticipent une phase de crispation politique, des recours juridiques probables et une forte mobilisation médiatique des deux camps.
Au-delà du cas Kabila, le jugement alimente un débat plus large sur l’indépendance de la justice, l’(in)strumentalisation des institutions et la manière dont la RDC traite les responsabilités politiques liées aux violences dans l’Est. Pour certains, la sentence est un signal fort contre l’impunité ; pour d’autres, elle illustre la polarisation d’un pays où la justice et la politique se rencontrent souvent dans l’affrontement.
Junior Kulele


