Un texte fondateur adopté en période de transition
Le 18 février 2006, la République démocratique du Congo (RDC) adoptait une nouvelle Constitution, marquant la fin d’une longue période de transition politique issue des accords de paix de Sun City (2002). Ce texte fondateur a instauré la Troisième République, mettant en place un régime semi-présidentiel, la décentralisation, ainsi que l’élection du président de la République au suffrage universel direct.
Fruit d’un large consensus national, cette Constitution visait à stabiliser le pays après des décennies de dictature, de guerres et de tensions politiques. Aujourd’hui, 19 ans après sa promulgation, elle demeure au cœur des débats, entre appels à sa révision et nécessité de préserver son esprit démocratique.
Vers une révision contestée ?
Depuis plusieurs années, des voix s’élèvent pour réviser certains articles de la Constitution, notamment ceux relatifs à la durée et le nombre de mandats présidentiels, la nationalité, ainsi que la gestion des ressources naturelles et de la décentralisation.
Si certains estiment que des ajustements sont nécessaires pour adapter le texte aux réalités actuelles, d’autres craignent une manipulation politique visant à affaiblir les acquis démocratiques. L’opposition et la société civile restent particulièrement vigilantes face aux tentatives de révision opportuniste, en particulier après les tensions nées des tentatives de modification constitutionnelle sous Joseph Kabila.
Une Constitution mise à l’épreuve par l’agression rwandaise
Depuis 2022, la RDC fait face à une agression du Rwanda à travers le M23, qui occupe plusieurs territoires dans l’Est du pays. Cette situation met en lumière les limites de la Constitution face aux défis sécuritaires, notamment dans la gestion de l’état de siège et des pouvoirs d’urgence.
Le rôle du chef de l’État dans la défense nationale, la coordination des forces de sécurité et la coopération avec des partenaires étrangers font partie des points sensibles qui, selon certains analystes, nécessiteraient un renforcement des prérogatives du pouvoir exécutif en période de crise.
La question de la double nationalité, une épine dans le débat constitutionnel
Autre sujet brûlant : la double nationalité. L’article 10 de la Constitution actuelle interdit la double nationalité, ce qui exclut de nombreux Congolais de la diaspora de la vie politique et économique du pays.
Alors que la diaspora joue un rôle clé dans l’économie congolaise (notamment via les transferts de fonds), plusieurs acteurs politiques plaident pour une révision de cette disposition, afin de permettre aux Congolais ayant acquis une autre nationalité de participer activement au développement du pays. Toutefois, certains courants nationalistes s’y opposent fermement, arguant que cela pourrait favoriser l’infiltration d’intérêts étrangers.
Une Constitution pour les belligérants ?
Un autre aspect controversé de cette Constitution est qu’elle a été rédigée dans un contexte de compromis entre anciens belligérants, notamment le gouvernement de Kinshasa et les ex-mouvements rebelles intégrés dans les institutions après les négociations de paix.
Certains experts estiment que cette genèse particulière a conduit à des failles juridiques qui compliquent encore aujourd’hui la gestion du pays. La décentralisation, par exemple, bien que prévue dans le texte, reste largement incomplète, faute de mise en œuvre effective. De même, la question de la représentation des ex-rebelles dans l’armée et les institutions soulève encore des tensions.
19 ans après, quel avenir pour la Constitution ?
Alors que la RDC célèbre le 19ᵉ anniversaire de sa Constitution, l’heure est au bilan :
Acquis : Maintien du pluralisme politique, élections régulières, consolidation des libertés fondamentales.
Défis : Insécurité persistante, faible application de certaines dispositions, débat sur la révision.
Pour de nombreux Congolais, la priorité n’est pas de changer la Constitution, mais de l’appliquer réellement et de garantir l’État de droit. Toutefois, avec les tensions sécuritaires et les enjeux politiques actuels, le débat autour de son évolution reste plus que jamais d’actualité.
Junior Kulele