Quelques jours après la cérémonie solonnelle de la rentrée parlementaire, les députés nationaux s’étaient donné rendez-vous pour la plénière consacrée à »adoption du calendrier de la session de mars 2023. Contre toute attente, deux matières se retrouvent dans ce canevas sans avoir été débattu en plénière. Le projet de loi sur la révision de quelques dispositions de la constitution et la proposition de loi sur la congolité connue sous le nom de la » loi tshiani ». Un passage en force selon les élus de l’opposition. Lors de sa première tentative en 2021, ce texte était déclaré non conforme à la constitution par le bureau d’études de la chambre basse du parlement en Septembre 2021.
Moins de deux ans après, la proposition de loi initiée par l’acteur politique Noël Tshiani portée par le député national Nsingi Pululu réapparaît et inscrite à l’ordre du jour de la session sans pour autant suivre le cours normal d’une proposition de loi avant son examen. L’initiateur et le porteur de ce texte étaient au bureau du speaker de la chambre basse du parlement pour déposer leur document.

De père et de mère, le terme a pris, ces temps derniers, en République démocratique du Congo une signification vague et péjorative, pour désigner toute personne dont les deux parents sont d’origine congolaise. Le concept de père et de mère ou de la congolité apparait clairement comme une exigence de souveraineté, d’identité. Le peuple congolais doit d’abord affirmer son autorité face aux menaces de dépossession et d’assujettissement : qu’il s’agisse de l’immigration ou du pouvoir économique et politique. L’individu qui revendique sa congolité est supposé avoir pour pays la RDC, être né de parents congolais appartenant à l’une des ethnies autochtones de la RDC.
La RDC est malade de sa « congolité ». Ce vocable politique, arme de combat identitaire, est devenu le joker des hommes politiques voulant écarter leurs rivaux, des « Congolais de souche» méfiant des congolais dont l’un des parents n’est pas originaire de la RDC. Cette question qui commence à servir de fondement légitime au pouvoir avant les élections générales de 2023, masque de très pernicieux ferments de division. Ce concept, qui prétend oeuvrer à l’unité du pays comme affirmation nationale, risque de se transformer en son contraire. La congolité va devenir une forme de redéfinition dangereuse de la citoyenneté, fabriquant des sortes d’étrangers de l’intérieur.

Pour comprendre ce cheminement idéologique, analyser comment, à partir de ce concept de congolité, le regard porté sur les congolais nés d’un parent étranger à réellement changé de nature en RDC, il faut remonter quelques années en arrière. Avant l’invasion de l’armée rwandaise sous label Afdl, la RDC donnait d’elle-même une image de paix intérieure et extérieure. Mais ce n’est plus le cas depuis la crise dans l’Est, des interrogations sur l’identité nationale et la question de la nationalité congolaise ont surgie.Ce n’est certes pas la première fois que la présence des congolais étrangers dans le pays se trouve contestée.
À plusieurs reprises on a même assisté à des poussées xénophobes. D’abord dans les années 1996 avec l’invasion dans l’Est de la RDC. Puis en 1998, lors de l’attaque des troupes rebelles du Rcd Goma dans laquelle le parti banyamulenge a fortes sensibilité rwandaise ont joué un rôle important.La télévision, les militants et politiques, commencent à opposer les « Congolais de souche » aux « Congolais de circonstance ». Pour des raisons électoralistes, la plupart des leaders politiques surfent à leur tour sur cette vague chauvine. Ce n’est pas, bien sûr, le cas de Moise Katumbi : le leader d’Ensemble pour pa République est la première cible de cette campagne en raison de ses origines italiennes ou juives supposées. C’est en servant à ce type de campagnes que le concept de congolité prend toute sa force négative.

En questionnant les textes, la constitution se saurait déjà prononcé sur la question en son article 10. Selon les anti loi Tshiani, faire passer cette proposition de loi serait violé intentionnellement la constitution et surtout que la loi fondamentale interdit sa révision pendant l’état de siège. Les adeptes de cette loi donne comme exemple d’autres pays où certains postes de responsabilité ne reviennent qu’aux natifs de père et de mère. L’histoire renseigne également que l’histoire de l’ivoirité, similaire à la congolité, était à la base d’une guerre civile ayant causé plusieurs morts en cote d’ivoire.
Jusque là aucun des deux camps veut lâcher prise. La session de mars nous dira un peu plus.Les observateurs, scrutant avec inquiétude la montée des risques de tension se sont toujours étonnés de l’obstination avec laquelle certains politiques veulent empêcher, contre tout bon sens, une candidature. On prend ainsi le risque de faire du banni un martyr bien plus redoutable politiquement.
#Thot