Les récentes déclarations du membre du Congrès américain Ronny Jackson sur la situation sécuritaire et politique en République Démocratique du Congo (RDC) ont suscité une vive controverse. De retour d’une tournée en Afrique, où il a notamment visité la RDC et le Rwanda, le parlementaire républicain a dressé un tableau alarmant de l’Est congolais, qualifiant la région de « totalement non gouvernée« . Ses propos ont rapidement provoqué une vague de réactions à Kinshasa, où le gouvernement congolais s’est empressé de nuancer et de réfuter ses affirmations.
Des accusations lourdes contre Kinshasa
S’exprimant devant la commission des Affaires étrangères du Congrès américain, Ronny Jackson a critiqué la gouvernance du pays, dénonçant une administration gangrenée par la corruption et une armée inefficace face aux groupes armés, en particulier le M23. Selon lui, les autorités congolaises « n’ont plus les moyens de contrôler la situation« , laissant l’Est du pays aux mains de divers acteurs étrangers, notamment l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi, qu’il accuse d’exploiter les ressources minières congolaises sans entrave.
Le parlementaire a également dénoncé la faiblesse des Forces armées de la RDC (FARDC) face au M23, qu’il décrit comme opérant « sans réelle opposition« . Il va jusqu’à affirmer que certains soldats congolais fuient devant l’ennemi ou rejoignent les rangs du M23. En outre, il évoque un « problème interne » lié au statut des membres de ce groupe rebelle, suggérant leur reconnaissance en tant que citoyens congolais et leur éventuelle intégration dans l’armée nationale.
Outre les questions sécuritaires, Ronny Jackson a également fustigé le climat des affaires en RDC, prenant pour exemple une entreprise suisse qui, selon lui, aurait initialement reçu une facture fiscale astronomique de 80 milliards de dollars, avant que ce montant ne soit drastiquement réduit à un milliard après négociations. Il y voit la preuve d’un système marqué par l’instabilité judiciaire, la corruption et l’enrichissement illicite de certains responsables politiques.
Kinshasa dénonce des « opinions personnelles »
Ces déclarations ont provoqué une réaction immédiate du gouvernement congolais. Le porte-parole Patrick Muyaya a tenu à minimiser la portée des propos du parlementaire américain, affirmant qu’ils ne reflètent en rien la position officielle des États-Unis.
« Ce qu’il a dit n’engage nullement le gouvernement américain. Nous avons eu à plusieurs reprises des discussions, que ce soit à la Maison Blanche ou au département d’État, et il n’a jamais été question de remettre en cause l’intégrité territoriale de la RDC ou d’ouvrir un débat sur nos frontières. Pour preuve, le gouvernement américain a récemment pris des sanctions contre James Kabarebe, une figure clé du régime rwandais et considéré comme l’architecte de la guerre dans l’Est de notre pays », a déclaré Patrick Muyaya lors d’un briefing presse à Kinshasa le 26 mars 2025.
Le ministre a également tenu à rappeler que la guerre à l’Est de la RDC ne date pas de l’arrivée au pouvoir du président Félix Tshisekedi. Il estime que l’instabilité actuelle est en grande partie liée aux efforts du gouvernement pour mettre fin à l’exploitation illégale des ressources minières et instaurer une gouvernance plus transparente dans cette région stratégique.
« La raison pour laquelle on nous fait la guerre dans l’Est, c’est parce que nous voulons justement améliorer la gouvernance minière et mettre un terme aux pratiques opaques qui profitent à certains acteurs extérieurs. Nous n’avons jamais prétendu que tout était parfait, mais il faut replacer les choses dans leur contexte historique », a souligné Patrick Muyaya.
Enfin, le porte-parole du gouvernement a critiqué le manque de nuance dans l’analyse de Ronny Jackson, estimant qu’une visite de trois jours dans la région ne permettait pas de comprendre pleinement les dynamiques complexes qui s’y jouent.
Une nouvelle tension dans les relations RDC-USA ?
Si Washington ne s’est pas encore officiellement prononcé sur les déclarations de Ronny Jackson, cette affaire intervient dans un contexte diplomatique déjà tendu. La RDC a récemment saisi la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) contre le Rwanda pour « agressions, pillages et massacres ». Par ailleurs, les États-Unis ont multiplié ces derniers mois les sanctions contre des responsables rwandais accusés de soutenir le M23.
L’intervention du parlementaire américain, perçue par Kinshasa comme une tentative de minimiser l’agression rwandaise et de discréditer le gouvernement congolais, risque d’alimenter davantage les tensions. Toutefois, le gouvernement congolais semble déterminé à poursuivre son dialogue avec l’administration Biden, tout en dénonçant les « opinions personnelles » de certains élus américains jugées nuisibles à la stabilité régionale.
La rédaction de b-onetv.cd