Les ressources minières et les conflits dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) entretiennent une relation étroite, tragiquement marquée par près de trois décennies de violences ayant coûté la vie à des millions de personnes. Il est désormais reconnu que cette insécurité est alimentée par les appétits voraces d’intérêts industriels internationaux, souvent appuyés par l’instabilité régionale et la faiblesse de certains pays voisins, notamment le Rwanda. Pourtant, une gouvernance efficace de ces ressources stratégiques demeure essentielle pour transformer ce potentiel en levier de développement national.
C’est dans cette optique que la société civile congolaise a initié le Dialogue National sur les Mines, tenu du 15 au 17 avril à Kinshasa. Sous le thème de la transparence, la paix et le développement, ce forum a réuni organisations citoyennes, acteurs politiques, partenaires techniques, élus et experts afin de réfléchir aux voies d’une meilleure gouvernance du secteur minier, dans un contexte d’instabilité persistante dans l’Est du pays.
Lors de son intervention, la Première ministre Judith Suminwa Tuluka a souligné l’urgence de mettre fin à l’exploitation illégale des ressources, qui finance en grande partie les groupes armés. Elle a annoncé une série de mesures concrètes, notamment la modernisation du secteur minier, la certification rigoureuse des minerais, ainsi que l’implication active des communautés locales dans la gestion des ressources — un gage de gouvernance participative.
Toutefois, le chemin vers une gouvernance minière équitable reste semé d’embûches. L’application des lois relatives à l’attribution, l’exploration et l’exploitation minière souffre encore de lourdeurs administratives, dans un environnement où le droit coutumier se heurte aux exigences formelles de l’État. Les droits des exploitants artisanaux et des communautés riveraines sont souvent négligés, accentuant leur marginalisation.
La transparence dans le suivi des entreprises minières légales reste elle aussi problématique. Les mécanismes de traçabilité sont fragiles, les rapports publics sur les revenus générés peu accessibles ou inexistants, et l’obligation pour les compagnies de rapatrier au pays 60 % des recettes issues de la vente des minerais est rarement respectée. Cette opacité alimente les critiques sur l’inefficacité du système de redistribution équitable et le détournement des fonds destinés au développement local.
La redevance minière, pourtant prévue par la loi, devrait permettre une participation effective des communautés locales et des entités territoriales décentralisées. Mais ce droit reste largement théorique. Sans consultation ni consentement des populations concernées, toute politique de gouvernance minière manque de légitimité.
Avec près de 70 % des réserves mondiales de minéraux stratégiques, la RDC continue de susciter la convoitise, tout en demeurant un théâtre de souffrances humaines et de conflits violents. Pour sortir de ce paradoxe, la paix et le développement durable doivent s’appuyer sur une approche intégrée, prenant en compte à la fois les impératifs économiques, sociaux et environnementaux. D’où la nécessité urgente de repenser la gouvernance minière, afin de bâtir un cadre solide, capable d’attirer des investissements responsables, tout en garantissant une juste redistribution des richesses au profit des Congolais.
Constantin Ntambwe