C’est une nouvelle qui a réjoui toute la communauté Kimbaguiste et les partisans de la lutte pacifique pour l’indépendance menée par Simon Kimbangu il y a plus d’un siècle. Désormais, la journée du 6 avril est déclarée fériée, chômée et payée, en mémoire du combat de Simon Kimbangu et de la conscience africaine. L’ordonnance présidentielle promulguée est un aboutissement d’un long processus, espéré depuis des années, mais concrétisé par Félix Tshisekedi. Qui est réellement Simon Kimbangu, sa vie et son œuvre? Que représente la religion et les mouvements créés en son nom? Quel est le mérite et l’impact de cette 10e journée fériée dans le calendrier de l’année civile en RDC?

Sur les images qu’on présente de lui et qu’on montrera à toutes les générations même après nous, c’est un homme chauve, de taille imposante, posant pieds nus, en tenue de son époque, avec un regard fort qui traduit l’identité d’un personnage d’autorité exceptionnelle. Né à Nkamba dans l’actuel Kongo-Central le 12 septembre 1887, Tata Longi est mort sous les verrous injustes du colon à Lubumbashi dans l’ex Katanga le 12 octobre 1951. Mais dans son temps d’homme libre Simon Kimbangu essaie sans succès de devenir catéchiste dans une mission baptiste. Ouvrier dans les huileries de Kinshasa vers 1920, les historiens s’accordent qu’il s’est lié ensuite avec des militants occidentaux anticolonialistes. De retour dans son village natal de Nkamba en avril 1921, il commence à prêcher le Royaume de Dieu et l’observance de la monogamie.
Il se révèle comme thaumaturge et multiplie les guérisons. Nkamba devient le centre d’un pèlerinage permanent et se voit désigner par Kimbangu comme la Nouvelle Jérusalem. Celui-ci promet le retour du Christ sur terre et l’avènement d’un nouvel âge d’or. Certains de ses disciples ayant donné une coloration anticolonialiste au mouvement, les autorités belges s’inquiètent. Kimbangu prend le maquis en juin, mais se laisse arrêter en septembre 1921. Condamné à mort puis gracié, il demeure en prison jusqu’à sa mort. Mais son souvenir reste vivace : dès 1921, divers mouvements religieux se réclament de Kimbangu et de son enseignement. Ces sectes et mouvements messianiques partagent un même fonds de croyances, où le culte des ancêtres voisine avec l’héritage biblique et baptiste. Simon y est tantôt le simple prophète de Jésus pour les Noirs, tantôt le nouveau Messie noir supplantant le Christ blanc des colons.

Après trente-cinq ans de persécutions et de clandestinité, le kimbanguisme sort de l’ombre sous l’influence des fils de Simon. À la veille de l’indépendance du Congo belge, sa branche « officielle » devient l’Église de Jésus-Christ sur la terre par son envoyé Simon Kimbangu, se structure et grandit, regroupant plusieurs millions de fidèles au Congo-Kinshasa et ailleurs. Elle est la première Église noire à être admise au Conseil œcuménique des Églises en 1969. Après s’être organisée et avoir épuré son dogme et sa liturgie, elle perd sa force novatrice et contestataire et devient d’ailleurs un partenaire du pouvoir depuis Mobutu à nos jours.
L’église Kimbanguiste aujourd’hui, c’est un réseau de milliers des écoles primaires, secondaires et techniques disséminées à travers le pays, garantie et consacrées par une convention avec l’État. L’église dispose également des établissements d’enseignement supérieur et universitaire au nom du prophète Simon Kimbangu, sans compter les structures de santé – hôpitaux et centres de soins spécialisés dans lesquelles la prise en change est assurée par un personnel diversifié.

La journée pour le combat de Simon Kimbangu et de la conscience africaine devient la 10e du genre en République Démocratique du Congo. Sa raison d’être tient d’abord au fait que toute une nation célèbre la mémoire d’un précurseur de l’éveil de conscience et de la lutte pour l’indépendance de l’homme noir et particulièrement du congolais. Cette reconnaissance vaut par ailleurs son plaisant d’or, au regard de la ferveur d’une confession religieuse typiquement congolaise, mobilisant plus d’une dizaine de millions de compatriotes, juste derrière les catholiques, protestants et musulmans.
Mais cette journée dédiée à Kimbangu est aussi un coup réussi par Félix Tshisekedi, pour qui fidèles et sympathisants de l’idéologie Kimbanguiste, saluent la promptitude et la volonté politique d’immortaliser un des rares personnages illuminés et charismatiques que le Congo a connu. Désormais, Simon Kimbangu symbolise en lui seul la lutte contre les inégalités raciales et sociales, mieux encore un patrimoine national congolais consacré par une ordonnance présidentielle.
Constantin Ntambwe