Pendant longtemps, les stades de Kinshasa vibraient au rythme des matches de l’AS Vita Club, du DCMP ou encore du FC Renaissance. Les rues résonnaient des chants des supporters, les enfants rêvaient de porter un jour les maillots de leurs clubs locaux. Aujourd’hui, l’enthousiasme s’est effondré. Les gradins du Stade des Martyrs sont désespérément vides, même lors des affiches les plus attendues. Le constat est implacable : les Kinois se désintéressent de plus en plus du football local. Pourquoi ce désamour grandissant ? Et plus largement, le football congolais est-il en train de mourir ?

Une gestion chaotique et un manque de vision
Le premier facteur de ce déclin réside dans la gouvernance. De nombreux clubs congolais souffrent d’un management défaillant, marqué par le manque de professionnalisme, les conflits internes et une mauvaise gestion des finances. Les querelles au sein des directions des clubs comme le DCMP ou Vita Club ont, à plusieurs reprises, éclaboussé l’image du championnat national. Sans stabilité administrative, impossible de bâtir une équipe compétitive, encore moins de fidéliser un public.
Un niveau de jeu en net recul
Le niveau du championnat national, autrefois l’un des plus respectés en Afrique centrale, est aujourd’hui à la traîne. Les jeunes talents fuient vers l’Europe ou les pays du Golfe dès qu’une opportunité se présente, faute de perspectives sérieuses à domicile. Le spectacle s’en ressent. Moins de jeu, moins de buts, moins d’intensité : les supporters ne s’y retrouvent plus.

L’essor du football européen : un concurrent écrasant
À Kinshasa, comme dans de nombreuses grandes villes africaines, la Premier League anglaise, la Liga espagnole ou la Ligue des champions ont relégué le championnat local au second plan. Les jeunes préfèrent Cristiano Ronaldo à Makusu Mundele, le Real Madrid au Daring Club Motema Pembe. La télévision, les réseaux sociaux et les paris sportifs ont renforcé ce phénomène d’ »évasion footballistique ». Résultat : l’identité locale s’effrite au profit de passions importées.
Des infrastructures vétustes et peu accueillantes
Le Stade des Martyrs, monument national, est aujourd’hui un géant fatigué. Peu entretenu, inconfortable et parfois peu sécurisé, il n’attire plus. Les matches se déroulent souvent dans des conditions médiocres, avec un terrain mal entretenu, une sono défectueuse et une logistique défaillante. Aller au stade devient plus un calvaire qu’un plaisir.

Une absence de stratégie marketing et de communication
Les clubs congolais n’ont pas su entrer dans l’ère moderne de la communication. Peu de visibilité sur les réseaux sociaux, pas de boutique officielle, aucune stratégie pour séduire les jeunes générations. Le supporter est ignoré, voire méprisé. A contrario, les clubs européens proposent une expérience immersive et accessible à tous.
Est-ce la mort du football congolais ?
Non, pas encore. Mais le football congolais est clairement en soins intensifs. Il survit grâce à quelques éclats comme le sacre du TP Mazembe féminin en Ligue des champions ou les performances de Léopards à l’international. Pourtant, ces victoires isolées ne suffisent pas à masquer l’effondrement du football local, surtout à Kinshasa.
Pour éviter le pire, une réforme profonde est indispensable : professionnalisation des clubs, investissement dans les infrastructures, protection des jeunes talents, développement du marketing sportif et implication des communautés locales. Sans cela, la RDC risque de voir disparaître un pan entier de sa culture urbaine et sportive.

Car le football, au-delà du sport, est un langage, une mémoire collective. Et si Kinshasa ne parle plus ce langage, c’est tout un pays qui perd une part de son âme. Et vous, quand avez-vous mis les pieds au Stade des Martyrs pour la dernière fois ?
Junior Kulele