À Malabo, capitale de la Guinée équatoriale, le Président de la République Démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a participé activement à la 26ᵉ session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC). L’événement, tenu dans la cité balnéaire de Sipopo sur l’île de Bioko, s’est déroulé sous le thème : « Consolider les acquis de la réforme de la CEEAC pour accélérer l’intégration régionale et la construction d’une communauté de destin en Afrique Centrale. »

Mais l’actualité a été bousculée par une décision fracassante : le retrait unilatéral du Rwanda de cette organisation régionale. Ce départ interroge sur sa signification géopolitique : faut-il y voir une victoire diplomatique congolaise, une manœuvre de repli tactique du régime Kagame, ou encore un symbole d’un isolement régional croissant du Rwanda ?
Depuis plusieurs années, les relations entre Kigali et Kinshasa sont au plus bas, principalement en raison du soutien présumé du Rwanda aux rebelles du M23 dans l’Est de la RDC. Accusations appuyées par des rapports d’experts onusiens, par plusieurs chancelleries occidentales et africaines. Le climat s’est encore dégradé en 2024 et début 2025 avec des affrontements meurtriers à Goma, ayant fait des milliers de victimes civiles selon l’ONU.
Dans ce contexte, le retrait du Rwanda de la CEEAC ressemble à un geste de défiance envers l’espace régional, notamment vis-à-vis de la RDC, devenue plus active diplomatiquement ces dernières années. Ce départ intervient alors que Kinshasa, sous l’impulsion du président Tshisekedi, semble vouloir repositionner la RDC comme un acteur central de la gouvernance régionale.
L’interprétation qui présente ce retrait comme une victoire pour la RDC n’est pas sans fondement :

Isolement stratégique de Kigali : En quittant la CEEAC, le Rwanda renonce à une plateforme politique où la RDC a de plus en plus d’alliés. Cela limite la capacité de Kigali à influencer les décisions régionales.
Renforcement de la position congolaise dans la région : Félix Tshisekedi, par sa présence active à Malabo, par sa rhétorique sur la souveraineté et la sécurité, et par les nombreuses démarches diplomatiques engagées contre l’agression rwandaise, capitalise sur ce retrait pour rallier les pays voisins à sa cause.
Crédibilité retrouvée de la diplomatie congolaise : Longtemps perçue comme timide, la diplomatie congolaise affiche désormais une posture plus affirmée. La participation active de la RDC dans les forums régionaux (CEEAC, CIRGL, SADC) renforce cette image. Cependant, il convient de rester nuancé.
Si certains peuvent célébrer ce retrait comme une « revanche congolaise », le départ d’un membre de la CEEAC n’est pas sans conséquences négatives :

Affaiblissement de l’unité régionale : Le projet d’intégration régionale, au cœur du thème de cette 26ᵉ session, perd en cohérence avec le retrait d’un membre influent. Même en désaccord, les institutions régionales doivent rester un espace de dialogue.
Risque de polarisation accrue : Le retrait du Rwanda pourrait annoncer la formation de blocs antagonistes en Afrique centrale, ralentissant les projets d’intégration économique et de sécurité collective.
Impact sur la médiation régionale : Sans le Rwanda à la table, il devient plus difficile de faire avancer les mécanismes de paix régionaux, déjà fragiles.
La RDC semble avoir remporté une bataille diplomatique, dans la mesure où elle a contribué à exposer les agissements du Rwanda sur la scène internationale et à affaiblir sa position dans l’espace CEEAC. Mais la guerre de l’influence régionale est loin d’être terminée.
La diplomatie congolaise doit maintenant transformer cet avantage en action constructive : renforcer ses alliances régionales, appuyer les mécanismes de paix, proposer des solutions d’intégration économique concrètes, et surtout, consolider sa propre cohésion nationale.
Car si le Rwanda quitte la scène régionale, ce n’est pas nécessairement une défaite pour lui, mais peut-être une stratégie pour agir différemment, ailleurs, dans d’autres cercles. La RDC devra rester alerte, mais aussi ambitieuse, dans la refondation d’une Afrique centrale solidaire, inclusive et résiliente.
Junior Kulele