Le 10 février 1995 marque la disparition d’une figure emblématique de la culture congolaise, icône de la Sapologie Congolaise, Stervos Nyarkos, de son vrai nom Adrien Mombele. Décédé à l’âge de 43 ans à l’Hôpital de la Salpêtrière à Paris, il demeure une légende de la Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes (SAPE). Artiste musicien, dandy raffiné et gourou de la religion Kitendi, il a profondément influencé la société congolaise, tant par son style que par sa musique.

Une origine royauté et une destinée de légende
Né en 1952, Stervos Nyarkos est issu d’une lignée prestigieuse. Il est le petit-fils du roi Ngaliema, considéré comme l’un des premiers propriétaires de terres à Kinshasa (Teke-Humbu). Son père, Mombele Sem Nkira, fut un ancien candidat député, signe de l’enracinement familial dans la sphère politique et sociale du pays. Dès son jeune âge, Stervos Nyarkos se démarque par son goût prononcé pour l’élégance et la mode. Très vite, il s’impose comme l’un des principaux sapeurs, contribuant à faire de la SAPE un véritable mouvement culturel.
Le pape de la sape et de la religion du kitendi
Stervos Nyarkos ne se contentait pas de suivre la SAPE, il en faisait une religion : le kitendisme, dérivé du mot lingala kitendi (le tissu). Pour lui et ses disciples, s’habiller avec élégance était un art sacré, une manière d’affirmer son statut social et d’imposer le respect. Il se faisait appeler par différents surnoms, véritables marques de prestige : Le N’gatshie; Mukaravia ; Nyarka ; kurubio ; Eddie Barra ; Grand prêtre Dioran ; l’homme de 1600 blousons cuir. Chaque année, le 10 février, sa tombe au cimetière de La Gombe à Kinshasa devient un lieu de pèlerinage où les sapeurs de Kinshasa et de Brazzaville viennent honorer sa mémoire en exhibant leurs plus belles tenues.
Une carrière musicale marquée par des tubes légendaires

En plus d’être un ambassadeur de la SAPE, Stervos Nyarkos était un artiste musicien accompli. Il a collaboré avec plusieurs icônes de la musique congolaise et signé des succès mémorables : « Matebu« , un titre culte avec Papa Wemba et Bozi Boziana. « Proclamation« , où il affirme son autorité musicale et stylistique. « Dernier coup de sifflet« , une chanson emblématique de son époque « Tour ya vélo« , un album réalisé avec Evoloko Lay Lay, qui connut un succès plus mitigé mais reste une belle œuvre
La SAPE : Une philosophie de vie et un héritage vivant
La SAPE (Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes) trouve ses racines dans l’histoire des Kongos, qui attachaient une grande importance au vêtement dès le 15ᵉ siècle. Ce mouvement s’est enrichi au fil du temps en empruntant au dandysme européen du 19ᵉ siècle et a explosé à Kinshasa et Brazzaville dans les années 1960, époque des Indépendances. La SAPE n’était pas qu’une simple mode vestimentaire. Pour beaucoup, elle était une forme de contestation contre le régime de Mobutu Sese Seko, où l’élégance était une manière de défier l’ordre établi.
Stervos Nyarkos et Papa Wemba : Deux figures de la sapologie
Si Stervos Nyarkos a été le pape fondateur du kitendisme, il a trouvé en Papa Wemba un allié de taille. Le « Nkolo Histoire » (Seigneur de l’Histoire) a non seulement adopté la philosophie de la SAPE, mais il l’a également popularisée à l’échelle internationale grâce à des chansons comme « Matebo » en 1979. Stervos Nyarkos et Papa Wemba resteront à jamais les icônes de la sapologie, un mouvement qui continue de briller bien après leur disparition.

Un héritage qui perdure
Aujourd’hui, grâce à des figures comme Stervos Nyarkos, Kula Mambo, Koko Waya, Djo ba lar (de Brazzaville) et Ferdinand Mabala, la SAPE continue d’influencer la mode et la culture en Afrique et à travers le monde. Le 10 février n’est pas une date comme les autres pour les sapeurs : c’est une journée d’hommage à celui qui a fait du vêtement une philosophie de vie et un symbole d’élégance intemporelle. Stervos Nyarkos a fait du kitendi un art, et son nom restera à jamais gravé dans l’histoire de la SAPE.
La rédaction de b-onetv.cd