Dans un entretien exclusif accordé au Figaro, le président de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, s’est exprimé sur les tensions persistantes avec le Rwanda et la situation sécuritaire dans l’est de son pays. Tout en dénonçant l’ingérence rwandaise à travers le groupe armé M23, il a réaffirmé sa volonté de parvenir à une paix durable.
Félix Tshisekedi est récemment allé à la rencontre de son homologue rwandais, Paul Kagame, dans le cadre d’une médiation menée par l’émir du Qatar à Doha. Selon lui, la réunion s’est tenue dans une atmosphère « conviviale », avec des discussions préalablement préparées par les émissaires qatariens. Toutefois, il souligne que le préalable à toute avancée reste « le cessez-le-feu immédiat et inconditionnel ».
L’échec de la récente médiation en Angola, où le M23 a refusé de participer aux discussions, renforce, selon le président congolais, l’idée que ce groupe armé est manipulé par des intérêts extérieurs. « Ces violents activistes sont des pantins qui attendent de recevoir des ordres pour agir », affirme-t-il.
Pour Tshisekedi, le conflit entre la RDC et le Rwanda trouve ses racines dans le génocide de 1994. Il accuse Kigali d’avoir d’abord poursuivi les anciens génocidaires hutus sur le territoire congolais avant de se livrer au pillage des ressources minières du pays. Il met en garde contre de nouvelles tragédies :
« Si nous ne vivons pas en paix, je vous laisse imaginer la catastrophe. Je redoute de nouveaux massacres, si rien n’est fait. »
Il se félicite cependant de l’évolution de la position internationale. La résolution 2773 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée fin février, exige le retrait immédiat des troupes rwandaises du territoire congolais et la fin du soutien militaire au M23. En outre, l’Union européenne a récemment imposé des sanctions contre des officiers rwandais et des cadres du M23, une décision saluée par Tshisekedi, qui souligne que d’autres pays comme les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni ont pris des mesures similaires.
Interrogé sur ses relations avec le président français Emmanuel Macron, Tshisekedi assure que ce dernier est désormais engagé en faveur de la paix en RDC, malgré ses obligations liées à la crise en Ukraine. Quant aux États-Unis, il indique que les discussions sur des partenariats stratégiques pour l’exploitation des minerais stratégiques congolais sont en cours, mais que la priorité reste de transformer ces ressources localement pour générer de la valeur ajoutée en RDC. « Plutôt que d’acheter les produits volés chez nous, il faut investir chez nous. », martèle-t-il.
Concernant la nomination de Massad Boulos, beau-père de la fille de Donald Trump, comme envoyé spécial des États-Unis pour les Grands Lacs, il se montre prudent, préférant ne pas porter de jugement sans avoir interagi avec lui.
Face aux accusations de corruption et de mauvaise gestion au sein de l’armée congolaise, Tshisekedi reconnaît la nécessité de la réformer. Il décrit une institution hétéroclite, formée d’anciens groupes armés intégrés progressivement, et plaide pour un « corps unique avec un seul état d’esprit ». Dans cette optique, il a négocié de nouveaux accords avec la Chine pour financer les besoins militaires et a augmenté la solde des soldats déployés sur le terrain, la portant à environ 500 dollars par mois.
Il se veut également rassurant quant à l’avenir de la RDC, rejetant toute possibilité de partition du pays. « Je vous promets que ça n’arrivera pas, en tout cas pas de mon vivant. »
Si Félix Tshisekedi se montre résolu à défendre l’intégrité de la RDC face à l’agression rwandaise, la situation sécuritaire à l’est du pays demeure préoccupante. La mise en œuvre effective des résolutions internationales et la poursuite des négociations avec les puissances occidentales seront déterminantes pour assurer la stabilité dans la région des Grands Lacs.
Junior Kulele