Quand Alesh parle, la République écoute. Quand il rappe, elle réfléchit. Et avec Wenge Politica, son nouveau single lancé en plein cœur de la saison sèche, le lyriciste congolais enfile à la fois la casquette du chroniqueur sociopolitique et celle du gardien du patrimoine culturel. Le résultat ? Une fresque musicale où la nostalgie de Wenge Musica se transforme en miroir déformant d’un système politique délabré.
Wenge Politica, c’est d’abord une déclaration d’amour à une époque. Celle où Wenge Musica régnait sur les dancefloors de Kinshasa et de toute l’Afrique. Formé en 1981, ce groupe mythique a bousculé les codes de la rumba et enfanté le ndombolo, devenant l’icône d’une jeunesse en quête d’identité et d’évasion.
Mais derrière la symphonie, Alesh perçoit les fausses notes. Rivalités internes, soif de gloire, trahisons… autant de dynamiques qui, selon lui, ont migré du showbiz vers les arènes du pouvoir. Dans ses couplets, il trace une ligne directe entre les tensions scéniques des années 90 et les luttes intestines qui minent la gouvernance congolaise aujourd’hui.
« Wenge Politica, c’est le miroir déformant d’une élite politique qui joue faux depuis trois décennies », balance-t-il dans une interview flash diffusée peu après la sortie du clip. Mais Wenge Politica ne serait pas ce missile sonore sans la présence de Zozo Machine, moitié du duo MPR. Ensemble, ils signent une collaboration lourde de sens : deux figures majeures du rap congolais unies dans un même souffle pour réveiller les consciences.
Avec son flow tranchant, Zozo injecte une énergie brute dans le morceau, évoquant un pays où les ambitions se bouffent entre elles, et où la politique ressemble de plus en plus à un clash de starlettes. Zozo et Alesh, c’est le feu et la foi, le verbe et le vécu. Leur union donne une épaisseur rare à cette chanson qui ne se contente pas de faire bouger les têtes, mais cherche à piquer les esprits.
Sur un beat méticuleusement produit – à mi-chemin entre rumba nostalgique et trap moderne – Alesh déroule ses vers avec cette lucidité mordante qui le caractérise. Il ne se contente pas de dénoncer. Il radiographie. Il expose. Il compare la classe politique congolaise à un orchestre désaccordé, où chacun veut jouer solo, sans jamais construire la moindre harmonie collective. « La politique chez nous, c’est du playback. Les vraies voix sont étouffées« , scande-t-il, le ton grave, l’écriture acérée.
Avec Wenge Politica, Alesh poursuit sa quête : faire de la musique un outil de conscientisation. Ce n’est pas une première. Mais ici, il franchit un cap. Il revisite le passé pour mieux éclairer le présent, et peut-être, semer les graines d’un avenir différent. En convoquant Wenge Musica, il ne célèbre pas seulement un âge d’or artistique. Il utilise ce symbole collectif pour pointer une dégénérescence du leadership, une trahison des idéaux, un appauvrissement de la vision. Tout cela, sans jamais perdre le groove.
Une rythmique accrocheuse. Une plume sans concession. Et un message : la RDC ne changera pas tant que ses leaders préféreront danser en solo au lieu de jouer en chœur. Alesh n’a pas juste sorti un titre. Il a lancé un pavé dans la mare. Wenge Politica n’est pas un hit. C’est une alerte.
Junior Kulele