La situation sécuritaire à Goma, épicentre des tensions entre la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, continue de se détériorer. Face à l’agression du M23 soutenu par Kigali, Kinshasa a choisi d’intensifier son offensive diplomatique sur la scène internationale, notamment au Conseil de sécurité de l’ONU. La question qui se pose est de savoir si la diplomatie pourra réellement résoudre cette crise ou si elle risque d’être dépassée par les dynamiques militaires et géopolitiques en jeu.
La diplomatie de Tshisekedi et l’enjeu régional
Depuis le début de son mandat, le président Félix Tshisekedi a fait de la diplomatie un levier essentiel pour renforcer la position de la RDC face aux défis sécuritaires. Son approche repose sur deux axes principaux :
L’internationalisation du conflit : En dénonçant activement le soutien du Rwanda au M23 sur la scène internationale, Felix Tshisekedi cherche à isoler Kigali et à obtenir un consensus global sur la nécessité d’une pression accrue contre Paul Kagame. Cette stratégie a conduit à plusieurs résolutions du Conseil de sécurité appelant au retrait du M23 et à des sanctions contre ses soutiens.
Le renforcement des alliances régionales : Kinshasa a multiplié les rapprochements avec ses voisins et organisations régionales, notamment la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), qui a déployé une force militaire pour soutenir les FARDC (Forces armées de la RDC).
Le rôle clé de Cyril Ramaphosa et l’influence des BRICS
Le président sud-africain Cyril Ramaphosa joue un rôle central dans la médiation régionale. Membre influent des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), il représente un acteur clé capable d’équilibrer les intérêts occidentaux et ceux des puissances émergentes en Afrique.
L’Afrique du Sud a historiquement entretenu des relations stratégiques avec la RDC et le Rwanda, ce qui place Ramaphosa dans une position délicate mais influente. Son engagement au sein de la SADC et ses liens avec la Russie et la Chine offrent à Kinshasa une alternative diplomatique face aux pressions occidentales, tout en maintenant un dialogue avec Kigali pour éviter une escalade incontrôlable.
Les intérêts divergents des BRICS et des Occidentaux en RDC
La RDC, riche en minerais stratégiques comme le cobalt et le coltan, est au cœur d’un affrontement économique et géopolitique entre les BRICS et les puissances occidentales. Les BRICS (notamment la Chine et la Russie) cherchent à sécuriser leur accès aux ressources naturelles de la RDC et à renforcer leur influence sur le continent africain.
Les Occidentaux (États-Unis, Union européenne) veulent à la fois garantir leur approvisionnement en minerais critiques et contenir l’influence grandissante de Pékin et Moscou en Afrique centrale. Ces tensions exacerbent la crise en rendant plus difficile la mise en place d’un consensus international sur une solution durable, chaque camp ayant des intérêts contradictoires dans la gestion du conflit.
L’appel à l’unité du peuple congolais face aux défis géopolitiques
Face à cette complexité géopolitique, le président Félix Tshisekedi a appelé à l’unité nationale. Il exhorte les Congolais à se mobiliser pour soutenir l’effort de guerre tout en restant vigilants face aux ingérences étrangères. Cette unité est d’autant plus nécessaire que le pays doit faire face non seulement à l’agression extérieure mais aussi aux défis internes liés à la gouvernance et à la consolidation démocratique. L’engagement de la diaspora congolaise et du secteur privé est crucial pour renforcer la résilience du pays dans cette période critique.
Le rôle des organisations internationales : SADC, MONUSCO, UE, EAC et Conseil de sécurité de l’ONU
La réponse diplomatique de la RDC s’appuie sur plusieurs institutions internationales :
La SADC : Cette organisation régionale a décidé d’envoyer une force militaire pour appuyer les FARDC dans la lutte contre le M23, marquant un engagement concret en faveur de Kinshasa.
La MONUSCO : Critiquée pour son inefficacité, la mission onusienne reste néanmoins un acteur clé, bien que son retrait progressif soit en cours.
L’Union européenne : Elle a récemment annoncé des sanctions contre certains responsables rwandais liés au soutien du M23, tout en maintenant une pression diplomatique sur Kigali.
L’EAC (Communauté d’Afrique de l’Est) : Bien que la RDC en soit membre, son engagement dans la gestion du conflit a été jugé insuffisant par Kinshasa, ce qui a conduit à un désengagement progressif du processus de Nairobi au profit d’une approche plus musclée avec la SADC.
Le Conseil de sécurité de l’ONU : Lors d’une récente session, la ministre des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba, a plaidé en faveur d’une condamnation ferme du Rwanda et d’un soutien accru à l’armée congolaise. Son intervention a mis en lumière la nécessité d’une approche plus proactive des Nations unies face à l’agression dont est victime la RDC.
La diplomatie peut-elle résoudre la crise ?
Si la diplomatie est essentielle pour éviter une escalade plus large du conflit, elle se heurte à plusieurs obstacles :
L’entêtement du Rwanda : Kigali continue de nier son implication dans la crise malgré les preuves accablantes de son soutien au M23.
Les intérêts divergents des puissances mondiales : La rivalité entre les BRICS et l’Occident complique la mise en place d’une solution unifiée.
L’inefficacité des mécanismes régionaux : Les initiatives de l’EAC ont montré leurs limites, et seule une réponse plus ferme, comme celle de la SADC, semble avoir un impact réel sur le terrain.
La pression diplomatique exercée par la RDC est un élément clé dans la gestion de la crise, mais elle ne suffira pas à elle seule à ramener la paix. Sans une volonté politique internationale forte pour sanctionner le Rwanda et renforcer les capacités des FARDC, le conflit risque de perdurer. La diplomatie de Félix Tshisekedi a permis de mettre la crise à l’agenda mondial, mais c’est avant tout la capacité du pays à renforcer son armée, à mobiliser ses alliances stratégiques et à maintenir l’unité nationale qui déterminera l’issue de cette guerre imposée.
La rédaction de b-onetv.cd