Alors que les combats font rage à l’Est de la République Démocratique du Congo, la scène politique congolaise demeure profondément divisée. Les appels au dialogue se multiplient, tant à l’échelle régionale qu’internationale, mais la classe politique semble toujours incapable de se rassembler autour d’un objectif commun : la défense de la nation.
Un dialogue rejeté par Kinshasa
Depuis plusieurs mois, la communauté internationale exhorte les autorités congolaises à privilégier la voie du dialogue pour résoudre la crise sécuritaire à l’Est. João Lourenço, président angolais et médiateur désigné par la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL), plaide pour des négociations. L’EAC (Communauté d’Afrique de l’Est) et la SADC (Communauté de Développement de l’Afrique Australe) soutiennent également cette approche.
Pourtant, le président Félix Tshisekedi refuse catégoriquement tout dialogue avec le M23, mouvement rebelle soutenu par le Rwanda, qu’il considère comme un simple instrument de Kigali. Pendant ce temps, la situation militaire se dégrade : l’armée congolaise peine à contenir l’avancée des rebelles et les pertes s’accumulent.
Les Églises en mission de médiation
Conscientes de la gravité de la situation, les Églises catholique et protestante ont pris les devants. Cette semaine, les responsables de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) et de l’Église du Christ au Congo (ECC) ont multiplié les rencontres avec divers acteurs politiques et militaires. À Goma, ils ont rencontré des responsables de l’Alliance des Forces Congolaises/M23. À Kigali, ils se sont entretenus avec les autorités rwandaises dans le cadre du « Pacte social pour la paix et la sécurité en RDC et dans la région des Grands Lacs ».
Avant de se rendre dans l’Est du pays, la délégation ecclésiastique avait également consulté plusieurs ténors de l’opposition : l’ECiDé de Martin Fayulu, Envol de Delly Sessanga et Nouvel Élan d’Adolphe Muzito. D’autres rencontres ont eu lieu en Belgique avec Moïse Katumbi, Claudel Lubaya, Raymond Tshibanda, Nehemie Mwilanya, José Makila, Franck Diongo et Jean-Claude Mvuemba.
Une initiative controversée
Cependant, cette démarche de médiation n’est pas du goût de tout le monde. À Kinshasa, des voix s’élèvent contre cette initiative. L’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), parti au pouvoir, rejette fermement cette tentative de dialogue, la qualifiant de « traîtrise« . Le porte-parole du gouvernement a également affiché son désaccord avec la CENCO et l’ECC. D’autres confessions religieuses, notamment les Églises de réveil et les communautés musulmanes, se tiennent à distance de cette initiative.
Une classe politique historiquement divisée
L’incapacité de la classe politique congolaise à s’unir face à une menace nationale n’est pas nouvelle. Déjà, au lendemain de l’indépendance, Patrice Lumumba se retrouva isolé face aux sécessions du Katanga et du Sud-Kasaï. Plus tard, en 1997, le régime de Mobutu chuta faute d’un soutien politique interne unanime contre l’AFDL de Laurent-Désiré Kabila.
Dans les années 2000, l’UDPS boycotta le référendum constitutionnel et les élections de 2006, choisissant la politique de la chaise vide. Lors du dialogue de la Cité de l’Union Africaine, sous la facilitation d’Édem Kodjo, une partie de l’opposition refusa de participer, exacerbant encore les divisions internes.
L’histoire semble donc se répéter : l’intérêt particulier prend toujours le pas sur l’intérêt général. Aujourd’hui, face à l’agression que subit la RDC, la classe politique ne parvient toujours pas à parler d’une seule voix.
Un avenir incertain
Le contexte sécuritaire actuel exige pourtant une mobilisation nationale. L’unité politique et sociale pourrait renforcer la position de la RDC face à ses adversaires et aux négociations diplomatiques. Mais en l’absence d’un consensus, la crise risque de s’enliser davantage.
La question reste posée : les acteurs politiques congolais finiront-ils par faire bloc pour défendre la patrie, ou continueront-ils à privilégier leurs intérêts partisans, au détriment de l’intégrité du pays ?
Junior Kulele