Alors que la situation sécuritaire continue de se détériorer dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) avec l’avancée du M23/AFC soutenu par l’armée rwandaise, l’Union européenne (UE) durcit le ton contre Kigali. Après avoir suspendu les consultations avec le Rwanda sur les questions de défense, Bruxelles envisage désormais des sanctions individuelles contre des responsables rwandais impliqués dans le soutien à la rébellion.
Lors de son passage à Kinshasa ce mercredi 5 mars 2025, Johan Borgstam, représentant spécial de l’UE pour la région des Grands Lacs, a confirmé que des préparations sont en cours pour sanctionner certains acteurs rwandais. « Nous avons pris une décision politique de poursuivre les préparatifs pour établir une liste de certains individus. Nos collègues juridiques au siège s’occupent actuellement des détails techniques avant leur adoption. »
L’UE suit un processus juridique strict avant d’appliquer ces mesures, contrairement aux sanctions américaines ou onusiennes, comme l’a précisé Nicolás Berlanga-Martinez, ambassadeur de l’UE en RDC. « Les sanctions européennes sont sous surveillance juridique du Tribunal de Justice de l’Union européenne. Une période de triage juridique de deux à trois semaines est nécessaire pour s’assurer que les preuves rassemblées contre les individus ciblés sont conformes au droit européen.«
L’UE ne se limite pas aux sanctions individuelles. Elle réexamine également son mémorandum d’entente avec Kigali sur l’approvisionnement en matières premières critiques, un accord signé en février 2024. La Haute Représentante de l’UE pour les Affaires étrangères, Kaja Kallas, a insisté sur la nécessité d’une évaluation approfondie de cet accord controversé. « La Commission européenne a bien compris les critiques formulées par plusieurs États membres, et les discussions se poursuivent sur la suite à donner à ce partenariat. »
Cette remise en question fait suite à une résolution du Parlement européen demandant la suspension immédiate de cet accord et la fin de toute assistance financière et militaire au Rwanda.
Si l’UE franchit le cap des sanctions, elle rejoindra les États-Unis, qui ont déjà ciblé des figures rwandaises. En février 2025, Washington a annoncé des sanctions contre James Kabarebe, ministre rwandais de l’Intégration régionale, accusé d’« orchestrer le soutien du Rwanda au M23″. Son influence dans les conflits en RDC depuis plusieurs décennies a été mise en avant.
De plus, le porte-parole du M23, Lawrence Kanyuka, a également été sanctionné par les Américains, illustrant une approche de plus en plus coordonnée entre les puissances occidentales contre Kigali.
Avec ces nouvelles initiatives, Paul Kagame se retrouve sous une pression diplomatique et économique grandissante. La RDC, soutenue par ses alliés régionaux et occidentaux, espère que ces mesures contribueront à freiner le soutien du Rwanda au M23 et à favoriser une solution politique durable.
Toutefois, l’efficacité de ces sanctions reste à prouver. Par le passé, Kigali a su déjouer les restrictions grâce à ses alliances stratégiques et son influence régionale. L’avenir des relations entre l’UE, le Rwanda et la RDC dépendra des prochaines semaines, alors que les combats se poursuivent dans l’Est du pays.
Junior Kulele