En séjour dans l’espace Grand Kasaï aux côtés de la Première ministre Judith Suminwa Tuluka, la vice-ministre de l’Intérieur, Sécurité et Décentralisation, Eugénie Tshiela Kamba, a réagi avec fermeté à la récente destitution du gouverneur de la province du Sankuru, Victor Kitenge Kanyama, par l’Assemblée provinciale. Dans une déclaration prononcée à Kananga, devant les députés provinciaux du Kasaï Central, la vice-ministre a qualifié cette démarche de « nulle et non avenue », car contraire aux instructions du Chef de l’État relatives à la stabilité institutionnelle dans les provinces.
Cette prise de position intervient alors que le Sankuru fait face à une nouvelle crise politique, après le vote d’une motion de censure contre son gouverneur, accusé d’incompétence. Selon Eugénie Tshiela, cette destitution s’inscrit à rebours des efforts du pouvoir central pour préserver l’équilibre et la stabilité des institutions provinciales, déjà mises à mal dans plusieurs entités du pays.
Originaire de Kananga, la vice-ministre Tshiela a profité de son adresse pour mettre en garde les députés provinciaux de sa région : « Ne pensez jamais à évincer le gouverneur ou les membres du bureau de l’Assemblée provinciale », leur a-t-elle lancé, soulignant que toute tentative dans ce sens irait à l’encontre de la volonté présidentielle de maintenir l’ordre institutionnel.
Mais ce discours n’a pas fait l’unanimité. Au contraire, il a provoqué une vive réaction dans la salle des plénières. Plusieurs élus provinciaux du Kasaï Central ont exprimé leur mécontentement face au ton jugé autoritaire et méprisant de la vice-ministre.
« C’est un coup dur contre la démocratie qui fait le lit à la mauvaise gouvernance des provinces », a déploré un député de Kananga, soulignant que l’Assemblée provinciale demeure un organe de contrôle légitime, investi du pouvoir de censurer l’exécutif provincial en cas de fautes avérées.
La sortie de la vice-ministre intervient dans un climat tendu pour plusieurs provinces de l’espace Grand Kasaï. En plus du Sankuru, le Kasaï Oriental traverse également une crise institutionnelle. Le gouverneur Jean-Paul Mbwembwe Kapi, issu de l’UDPS, parti présidentiel, a récemment été mis en accusation pour des soupçons de détournement de fonds à l’issue d’un contrôle parlementaire.
Ces deux cas illustrent un paradoxe institutionnel dans la région : d’un côté, des gouverneurs accusés de mauvaise gestion ; de l’autre, des pressions du pouvoir central pour éviter leur éviction, au nom de la stabilité.
L’intervention d’Eugénie Tshiela soulève des questions sur l’indépendance des assemblées provinciales et le respect du principe de séparation des pouvoirs à l’échelle locale. Si la stabilité est un objectif légitime, nombre d’observateurs estiment qu’elle ne doit pas se faire au détriment de la redevabilité et du contrôle parlementaire, piliers essentiels de toute gouvernance démocratique.
Dans un contexte où plusieurs provinces peinent à répondre aux attentes des populations, l’enjeu est désormais de trouver un équilibre entre autorité étatique, autonomie provinciale et respect des procédures démocratiques. La gestion de cette crise sera un test de plus pour la vision décentralisatrice du pouvoir congolais.
La rédaction de b-onetv.cd