Près de deux mois après la publication de la feuille de route des confessions religieuses en faveur d’un dialogue national et inclusif, le président Félix-Antoine Tshisekedi n’a pas encore annoncé de date pour le lancement de cette initiative. Alors que les appels à la convocation du dialogue se multiplient, le gouvernement assure que le Chef de l’État communiquera « le moment venu » sur son agenda.
Interrogé sur ce dossier lors du briefing presse du 8 octobre, Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, a confirmé la disposition du président Tshisekedi à accompagner l’initiative des confessions religieuses, tout en invoquant un problème de calendrier. « Pour ce qui concerne le dialogue au niveau national, il vous souviendra qu’une feuille de route a été annoncée par les différentes confessions religieuses. Le moment venu, le Président de la République, qui s’est déjà montré disposé, pourra communiquer son agenda pour permettre à cette initiative de voir le jour », a-t-il déclaré.
Selon le gouvernement, le retard constaté ne traduit donc pas un désintérêt de la part du Chef de l’État, mais une gestion progressive des priorités nationales, dans un contexte marqué par de nombreux défis diplomatiques et sécuritaires. Le 25 août 2025, les principales confessions religieuses du pays — la CENCO, l’Église du Christ au Congo (ECC), la Plateforme des Confessions Religieuses et la Coalition Interconfessionnelle pour la Nation (CIN) — ont rendu publique une feuille de route visant à organiser un dialogue national et inclusif.
Cette démarche, intitulée « Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble en RDC et dans les Grands Lacs », s’articule autour de quatre grandes étapes qui forment la trame du Processus national et inclusif de paix. Elle ambitionne de créer un espace de concertation entre acteurs politiques, société civile et communautés religieuses, afin de trouver des solutions durables à la crise sécuritaire dans l’Est du pays.
Les Églises espèrent ainsi relancer un climat de confiance nationale, dans un contexte où la persistance des groupes armés — notamment la rébellion AFC/M23 soutenue par le Rwanda — continue de menacer la stabilité de la région. L’initiative des confessions religieuses s’inscrit dans la continuité de la vision du président Félix Tshisekedi, qui avait recommandé d’élargir le “Pacte social pour la paix” à toutes les sensibilités religieuses. Une équipe présidentielle avait d’ailleurs été mise en place pour harmoniser et enrichir les propositions de ce document avec celles du gouvernement.
Cette démarche bénéficie d’un large soutien national et international, dans un contexte où plusieurs initiatives diplomatiques, notamment celles de Washington et Doha, peinent encore à produire des résultats tangibles sur le terrain. Lors de la dernière réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies, Bintou Keita, a salué les efforts des confessions religieuses, qualifiant la feuille de route d’« étape décisive » vers la réouverture de l’espace civique et le renforcement de la cohésion nationale.
Elle a souligné que cette initiative interne, menée par les forces morales du pays, pourrait créer un climat de confiance et de sécurité favorable à la tenue des prochaines élections prévues en 2028. « Cette feuille de route marque un tournant important dans la recherche de solutions congolaises à la crise nationale », a déclaré Mme Keita, tout en réaffirmant le soutien de la MONUSCO au processus.
Si le gouvernement prône la patience, certains opposants voient dans cette lenteur une stratégie politique de Félix Tshisekedi pour gagner du temps ou préparer un éventuel glissement de son mandat au-delà de 2028. Kinshasa, de son côté, se veut rassurant et insiste sur la cohérence de la démarche présidentielle. « Le Chef de l’État prendra la parole au moment opportun. Ce dialogue, s’il doit se tenir, devra répondre à un objectif clair : consolider la paix et renforcer la cohésion nationale », a martelé Patrick Muyaya.
Alors que la feuille de route des confessions religieuses suscite espoirs et attentes, la balle est désormais dans le camp du président Félix Tshisekedi. Entre pressions politiques internes, enjeux sécuritaires persistants et attentes de la communauté internationale, la convocation du dialogue national apparaît comme un tournant majeur dans la quête d’une paix durable en République Démocratique du Congo.
Junior Kulele
