À Kinshasa, les projecteurs sont braqués sur Washington. Le récent accord minier entre la République démocratique du Congo (RDC) et les États-Unis fait couler beaucoup d’encre, comme si le vent de l’histoire venait enfin souffler dans la bonne direction. Après des mois d’hésitation, l’Oncle Sam s’est enfin levé de sa chaise d’observateur pour entrer dans l’arène. Mais au-delà des signatures et des sourires diplomatiques, une question plane : ce contrat est-il une planche de salut ou une illusion dorée ?
Une aube nouvelle ou un mirage brillant ?
On dit que lorsqu’un éléphant danse avec une souris, c’est toujours la souris qui doit faire attention à ses pas. Dans cette nouvelle valse géopolitique, la RDC s’avance, les bras ouverts, espérant que l’investissement américain soit la pluie tant attendue après une longue saison sèche. L’accord promet monts et merveilles : exploitation « responsable » des minerais stratégiques, création d’emplois, transferts technologiques… Bref, une manne, que certains à Kinshasa comparent déjà à la manne biblique tombée du ciel pour nourrir un peuple affamé.
Mais derrière l’euphorie, la vigilance est de mise. Car tout pacte, surtout lorsqu’il lie David à Goliath, mérite d’être scruté à la loupe. Si les États-Unis viennent aujourd’hui chercher cobalt, cuivre et lithium, ce n’est pas par charité, mais bien parce que ces minerais sont le sang nouveau de l’économie verte mondiale. Les batteries de demain se jouent aujourd’hui dans les mines congolaises.
Le « Messie américain » et les tambours de guerre
Pour Kinshasa, cette prise de position américaine est lue aussi comme un message politique : un soutien implicite contre les vents mauvais venus de l’Est. Là où les rebelles du M23, soutenus par Kigali, sèment la désolation, le timing du contrat n’est pas innocent. Washington, en sortant de son mutisme, offre à la RDC un parapluie diplomatique. Mais attention à ne pas confondre une main tendue avec un bouclier. La paix ne se négocie pas uniquement dans les salons de la Maison-Blanche, elle se construit sur le terrain, par la résilience, l’unité et la souveraineté assumée.
Mzee, la voix du devoir
Dans cette tempête d’espérances, il est bon de se souvenir des paroles de Mzee Laurent-Désiré Kabila : « Prenons notre destin en main. Personne ne viendra développer ce pays à notre place. » Le développement ne se délègue pas. Il ne s’importe pas en containers. Il se forge, à la sueur des fronts et à la lucidité des dirigeants.
Car le risque est grand de troquer une dépendance contre une autre. Après les griffes du dragon asiatique, Kinshasa tend-elle les bras à l’aigle américain sans relire les clauses en petits caractères ? Il ne s’agit pas de rejeter l’aide, mais de l’utiliser comme levier, et non comme béquille.
Quelle issue pour ce mariage de raison ?
L’accord minier avec les États-Unis peut être une bénédiction, s’il est géré avec intelligence, transparence et patriotisme économique. Il peut permettre à la RDC de reprendre le contrôle de sa richesse, de professionnaliser son secteur minier, et surtout, de transformer ses ressources en bien-être collectif. Mais s’il devient un nouveau contrat léonin, ce sera juste un chapitre de plus dans le livre des occasions manquées.
Kinshasa n’a pas besoin d’un messie, mais d’une vision. Et la meilleure alliance possible, c’est celle entre le peuple congolais et ses dirigeants, unis dans un même projet de souveraineté et de dignité. Car au final, même si la pluie tombe du ciel, c’est bien à l’homme de cultiver la terre.
Junior Kulele