La relation entre Patrice Emery Lumumba et Joseph-Désiré Mobutu est l’un des épisodes les plus complexes et dramatiques de l’histoire politique de la République Démocratique du Congo (RDC). Allant de la collaboration à la trahison, cette relation a non seulement façonné le destin de ces deux figures historiques, mais aussi celui de la jeune République congolaise.
Au début des années 1950, Patrice Lumumba, leader du Mouvement National Congolais (MNC), se fait rapidement un nom comme l’une des figures les plus emblématiques de la lutte pour l’indépendance. Charismatique et visionnaire, il prône un Congo uni, libre de toute ingérence étrangère. Mobutu, ancien militaire et journaliste, est introduit dans le cercle de Lumumba par des personnalités politiques belges et congolaises. Lumumba, convaincu du potentiel de ce jeune homme discipliné et ambitieux, lui offre une place importante au sein de son entourage. En 1960, lorsque le Congo obtient son indépendance, Lumumba devient Premier ministre tandis que Mobutu est nommé secrétaire d’État à la Défense, une position stratégique.
Cependant, les différences entre les deux hommes se révèlent rapidement. Lumumba, profondément nationaliste, veut débarrasser le Congo de toute influence coloniale et refuse de faire des concessions aux puissances occidentales. Mobutu, de son côté, est perçu comme plus pragmatique et enclin à collaborer avec la Belgique et les États-Unis. Ces tensions s’amplifient dans un contexte de crise politique. L’indépendance du Congo est marquée par des divisions internes, notamment la sécession du Katanga et du Sud-Kasaï. Lumumba accuse les puissances étrangères, en particulier la Belgique et les États-Unis, de fomenter ces troubles pour maintenir leur contrôle sur le pays.
Le 14 septembre 1960, Mobutu, soutenu par les États-Unis et la Belgique, organise un coup d’État militaire. Il accuse Lumumba de collaborer avec l’Union soviétique et le place en résidence surveillée. Ce coup d’État marque un tournant décisif dans la relation entre les deux hommes, scellant le sort de Lumumba. Avec l’aide des puissances occidentales, Mobutu neutralise Lumumba, qui est finalement livré à ses ennemis au Katanga. Le 17 janvier 1961, Lumumba est assassiné dans des circonstances brutales, avec la complicité des autorités belges, américaines, et des sécessionnistes katangais. Ce meurtre restera l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire congolaise.
Après l’assassinat de Lumumba, Mobutu consolide progressivement son pouvoir. En 1965, il devient président à la suite d’un second coup d’État, inaugurant une dictature de 32 ans marquée par la répression, la corruption, et un culte de la personnalité exacerbé. Mobutu cherche à effacer l’héritage de Lumumba, bien qu’il le présente comme un héros national pour légitimer son régime. Cette ambivalence reflète sa propre implication dans la trahison et l’assassinat de son ancien mentor.
La trahison de Mobutu envers Lumumba est souvent interprétée comme un acte motivé par l’ambition personnelle et l’opportunisme, mais elle s’inscrit également dans le contexte de la Guerre froide. Les États-Unis et leurs alliés voyaient en Lumumba une menace pour leurs intérêts en raison de ses relations avec l’URSS, tandis que Mobutu apparaissait comme un allié fiable pour contrer l’expansion du communisme en Afrique.
Cependant, pour de nombreux Congolais, cet acte de trahison a marqué le début d’une période de néocolonialisme et de dictature, éloignant le pays des idéaux d’indépendance et de souveraineté prônés par Lumumba. Aujourd’hui, Patrice Lumumba est célébré comme un héros national et un symbole de la lutte pour l’indépendance africaine. Sa vision d’un Congo uni et souverain continue d’inspirer des générations de Congolais. Mobutu, en revanche, est perçu comme une figure controversée. Bien qu’il ait maintenu l’unité territoriale du Congo pendant son règne, son régime est largement critiqué pour sa corruption et ses violations des droits de l’homme.
La relation entre Patrice Lumumba et Joseph-Désiré Mobutu illustre les contradictions et les luttes de pouvoir qui ont marqué l’histoire de la RDC. La trahison de Mobutu envers Lumumba symbolise les défis auxquels le pays a été confronté : les ingérences étrangères, les divisions internes, et la quête d’un leadership véritablement nationaliste.
Alors que le Congo continue de chercher son chemin vers la paix et la prospérité, l’héritage de Lumumba reste un rappel puissant de l’importance de l’intégrité, du courage, et de la fidélité à l’idéal de souveraineté nationale. Quant à Mobutu, il incarne les leçons amères de l’ambition individuelle au détriment de l’intérêt collectif.
La rédaction de b-onetv.cd